
Un voyage, c’est souvent un départ vers des contrées plus ou moins lointaines. Dans le cas de l’exposition Fashion Mix au musée de l’Immigration, la notion de voyage est multiple et convergente vers Paris. Ces périples ont été effectués par de nombreux et talentueux couturiers, qui ont souhaité exercer leurs génies créatifs dans la capitale et ont permis à celle-ci de prendre ce statut autoproclamé de capitale mondiale de la mode.
L’histoire de la mode est souvent une histoire personnelle
Les créateurs qui sont venus à Paris, l’on fait pour des raisons qui pouvaient être esthétiques, économiques ou politiques. On peut ainsi remercier les anglais qui dès les années 1858, nous ont envoyé Charles Frederick Worth créer la Haute Couture à Paris, puis Redfern. Plus tard les 7 d’Anvers (Belgique) entamaient leur parcours original par une découverte du fish&ships à la mode Fashion, ce qui n’a pas eu l’heur de plaire au BFC (British Fashion Council) qui leur a demandé de partir (et pourtant l’UKIP n’existait pas encore ;). Ils ont choisi assez naturellement de venir à Paris. Pour cela aussi on peut remercier les anglais, quand on pense qu’aujourd’hui c’est Raf Simons qui est à la tête de Christian Dior avec le succès que l’on constate. Finalement c’est un deal presque parfait On leur laisse Liverpool et les Beatles, on garde la mode et l’Avenue Montaigne.
Mais ces trajectoires ont été un peu plus difficiles pour ceux qui comme Balenciaga, ou Paco Rabannes sont venus en France après une fuite éperdue devant les fantassins d’une Espagne franquiste qui ne voulait pas leur accorder la place qu’ils méritaient. Ou encore les Russes Blancs qui échappaient aux années noires de la révolution bolchévique. Débarquant avec un penchant pour le luxe et le bon gout auquel les avaient habitués leurs statuts d’aristocrates russes, ils s’intégrèrent dans la mode parisienne et s’installèrent comme artisan, spécialistes des matières nobles comme la broderie (Kitmir et ses travaux pour Chanel) pour sauvegarder leur niveau de vie.
Ou encore Kenzo qui débarqua à Marseille après une longue traversée en bateau, puis traversa la mode française en laissant un sillage qui n’a jamais disparu. Ou encore Robert Piguet qui aura lui un voyage plus calme, car il n’aura que le Jura à traverser. Il vient de Suisse. Si sa première maison de couture fit faillite, il en retira une expérience qui lui permettra de réussir brillamment sa seconde tentative. Son style a peut être laissé moins de traces que certains de ces contemporains, mais il aura beaucoup contribué à la réussite de la capitale de la mode par sa faculté à transmettre et à former ses assistants. Ceux ci deviendront de prestigieux designers comme Christian Dior, Hubert de Givenchy, Del Castillo (premier couturier qui apposera son nom accolé à la marque Lanvin ou il passa plus de 10 ans) , Marc Bohan (successeur d’YSL chez Christian Dior) ou encore Catherine de Karolyi qui posera son sac chez Hermés après son passage chez Piguet.







Une exposition qui n’est pas qu’un concours de frou frou
Le parcours de découverte de tous ces couturiers est simple. Un aller retour dans l’aile du musée de l’Immigration permettant de parcourir la ligne du temps avec une césure autour des années 60. Une simplicité qui favorise la compréhension des évolutions de la mode. On saisit comment talents et influences de chacun se mélangent et rebondissent d’une période à une autre. Ce n’est pas qu’un concours d’élégance. On a vu que l’histoire (sous ces aspects politiques ou économiques) à son importance. On découvre également le travail, les innovations, les audaces, les défis, comme les pulls en trompe l’oeil de Schiaparelli, l’irruption du concept dans le vêtement par Balenciaga et bien sûr le choc des créateurs japonais qui ont associé à leur culture asiatique une imagination débridée pour créer des silhouettes dans un style « non fini » de Yohji Yamamoto, ou encore grunge de Comme des Garcons, sans oublier les plus « conventionnels » plissés d’ Issey Miyaké.
Comme l’expliquait Alexandre Samson (du Palais Galliera, partenaire de l’exposition) Paris est la capitale qui accueille et intègre le plus de créateurs étrangers. Sur les 160 défilés des dernières collections 2014/2015, seuls 50 était français. Ces notions de savoir-faire français et de Made in France sont reconnues et célébrées internationalement dans le domaine de la mode depuis le milieu du 19 ème siècle. Or cette mode à souvent été conçue par des créateurs étrangers.
Une très belle exposition qui permet la découverte de 120 modèles et 150 documents d’archives au Musée de l’Immigration palais de la Porte Dorée – paris 12, juqu’au 31 mai 2015.