La mode, ce n’est pas que des événements mondains réservés à quelque happy few qui entre coupe de champagne, défilé et shooting n’ont de reco que pour leurs prochains liftings. Un monde aisément caricaturable avec l’aide des tweets si joliment repérés par Loïc Prigent comme « J’ai l’impression de parler dans le néant toute la journée, tout le temps, et que le seul truc concret c’est mon sac Céline. » dont la signification n’atteint même pas 140 caractères. Parmi ces décors hyper-maquillés de suffisance, on découvre à l’inverse des expériences différentes comme celles qui nous montre une mode qui défile dans la rue, entourée de spectateurs installés sur le même plan, séduit par ces silhouettes drapées dans une élégance stricte qui, lors d’allers et retours aux tracés plein d’imprévus, sur une scène pleine de vie, nous donne un joli spectacle de rue.
Au cours de ce mois de juin 2017, on a pu assister à ces défilées de rue ou cette mode un peu insoumise aux conventions du luxe a rencontré son public. Ce fut d’abord Ken Okada créatrice japonaise installée à Paris depuis plus de 10 ans, qui a lancé ses amies et camarades, mannequins d’un jour dans le quartier chic de Saint Germain. La rue de Grenelle, fermée à la circulation, accueillait l’annuel dîner des voisins. Entre table et banc en bois, panier de picnic et jéroboam de champagne, un long ruban jaune avait été déployé de la même couleur que le soleil qui accompagnait chaque parisien depuis plusieurs jours. Ce n’est pas parce que le bénévolat était, avec la bonne humeur, ce qui se partageait le plus dans ce petit quartier rue du 7 ème arrondissement, qu’il n’y avait pas un coté professionnel. Un coin de table accueillait les maquilleurs et les photographes. Les répétitions se déroulaient dans la rue devant les premiers attablés et les curieux, arrêtés et intrigués, sur leurs chemins du retour du travail.
Ils ont pu découvrir les silhouettes très parisiennes de Ken Okada, connue pour ses chemises structurées mais qui sait mixer les coupes zen et japonisante avec la silhouette fluide et légère de la parisienne. Les coupes sont modernes, associées à des couleurs chatoyantes et estivales pour un vestiaire complet, chemise, top, robe, manteau .

L’événement s’inscrivait dans le cadre du dîner de Saint Germain. Celui-ci permet de créer un moment de partage avec les habitants du quartier.
Front de mode partage ses vibrations créatives dans la rue
Autre quartier, celui du Marais. Mais pas la partie qui est la plus boboïsée. Au sud de la République là ou il y avait eu une tentative de relance de ce quartier avec l’aventure de la « Jeune Rue » il y a environ 2 ans, rue Volta se trouve Front de Mode, au n° 42. Cette boutique de mode ouverte par la créatrice Sakina M’sa, accueille dans ce lieu de nombreuses marques sensibles à la démarche éco-citoyenne et sociale. Les passants et les voisins se sont partagés les chaises. Les enceintes et les câbles courent d’une boutique à une autre et dans la rue, le partage se fait autour d’un événement qui précède le défilé : une conférence autour de l’oeuvre de Jean Baudrillard. Ce dernier est un philosophe français théoricien de la société contemporaine, connu surtout pour ses analyses des modes de médiation et de communication de la postmodernité. Il y a avait donc dans la rue une cohorte de tshirts qui affichaient les pensées du philosophe. Après la conférence donnée entre deux trottoirs, l’espace se crée par un recul plein de sagesse de la foule pour laisser les mannequins d’un jour défiler. Mode homme ou femme, accessoires chez Front de Mode tout est couleur, contemporain ou urbain, ultra féminin ou plutôt workwear, sans oublier un petit coté DIY. De toutes les façons il y a, à travers cette diversité, l’empreinte de l’énergie participative de Sakina M’sa qui sait faire bouger le quartier dans lequel elle implantée, que cela soit ici ou à la Goutte d’Or. A découvrir au 42 rue Volta, Paris 03, car la marque n’a pas de e-shop sur son site internet.

La rue était parsemée des pensées du philosophe qui en recouvraient même les panneaux d’interdiction. Aucune machine ne peut venir enlever la liberté de se projeter dans le futur aux libres penseurs. Cette doctrine s’associe à une mode libérée qui se trouve dans la rue un peu comme un manifeste, un peu comme une aventure entrepreneuriale, un peu comme une arme de séduction.