La mode responsable était en pleine émulsion créative lors de ce mois d’octobre 2024 du coté de la cote atlantique. On pouvait remarquer le Festival de la Mode Responsable à Poitiers 17 au 19 Octobre, la Quinzaine de la Mode Responsable en Nouvelle Aquitaine, du 7 au 20 octobre, un programme qui incluait la Biarritz Good Fashion ou se trouve la Chaire BALI – Biarritz Active Lifestyle Industry qui se concentre sur les innovations technologiques dans la mode et le textile et ou était présente par ailleurs SAO Textile.
Mais à Bordeaux on sait aussi saisir la bonne vague et on saluera la réactivité de l’équipe de Fashion Green Hub Nouvelle Aquitaine qui a rebondit sur cette suite d’événements pour organiser en un temps record avec la collaboration de la Philomatique un programme complet, initié par Jean Michel Castaing, Vice président du Fashion Green Hub national, et originaire de la région.
Malgré le changement de présidence en cours et les difficultés qui ont entrainé la fermeture du Plateau Fertile de Roubaix, l’association a monté ce programme de qualité, qui a permis de voir et de discuter avec des créateurs, des entreprises et des organismes régionaux ou nationaux qui sont venus témoigner et montrer que les initiatives qui permettent de mettre en place cette mode durable, que tout un chacun appel de ses voeux, sont bien présentes dans cette belle région.


L’événement rassemblait, comme sait le faire cette association, un large spectre d’acteurs impliqués, qui a proposé un éventail étendu de témoignages, de l’entrepreneur solo à l’entreprise familiale, de l’artiste au freelance, sans oublier les acteurs institutionnels locaux, tous impliqués dans une démarche en faveur d’une mode éco-responsable. Cela a donné une vision concrête des enjeux, des difficultés, des pistes à creuser.
Toutes les chaises furent occupées par des créatrices, des dirigeants d’entreprise, Eram était présente, des organisations, comme l’Adème ou l’ADI d’Aquitaine, des personnes de la Philomatique et les membres du Fashion Green Hub présents qui se retrouvaient dans une salle adéquate, car il s’agissait de la salle de couture de l’association Philomatique.

L’entreprenariat a bien lancé la journée
En physique ou en digital, ce fut 5 cas de figure d’entreprises sur le chemin de la mode durable qui sont venues exposer leurs parcours, leurs attentes, leurs objectifs. Une séance de pitch très bien menée par l’animateur Théo, qui propose un podcast plein d’énergie sur les entrepreneurs de la région Aquitaine, ce qui a permis pour ceux qui n’était pas bordelais, ce qui est peu mon cas, de découvrir des entreprises déjà bien investies dans leurs démarches commerciales et avec un positionnement clair sur la voie de la mode éco-responsable.
On a pu écouter et questionner :
L’ Armoire Poéthique est un concept-store qui a été lancé par une femme qui était ingénieure aéronautique dans une vie antérieure. Elle a beaucoup travaillé dans des pays comme l’Inde et l’Afrique de l’Ouest pour des actions solidaires et pour le monde de l’ESS. Son projet est plus qu’une boutique : c’est un lieu chaleureux, où on peut échanger, prendre le temps, apprendre, lire tout en buvant un café ou un thé. Sa démarche implique une sélection de marques engagées, dont elle analyse les étapes et la transparence, rencontre les fondateurs. Le lieu situé 45 rue Sainte-Colombe 33000 Bordeaux, s’adresse à des clients qui veulent une mode durable, qui sont intéressés par ce sujet et prêt à en prendre conscience. Ils en sont aidés grâce à une forte démarche pédagogique, présente sur les murs du magasin par des cartes explicatives sur les enjeux et les impacts d’une mode plus locale. Le lieu multimarque, propose de nombreuses marques engagées dont notamment N’go Shoes, des baskets faites au Vietnam dans des conditions éthiques et qui était d’ailleurs au Fashion Green Days de Nantes en 2023.
Atelier Scämmit, dont le nom est un terme inventé par la sœur de la créatrice lors de l’adolescence, est le fruit d’un parcours professionnel qui a connu aussi plusieurs étapes. Après avoir travaillé chez Baccarat, la créatrice à bifurqué, a suivi une formation de stylisme modélisme, pour satisfaire son penchant pour les activités manuelles.
L’aventure à démarré par un blog qui s’est transformé en un site qui propose aujourd’hui des patrons pour faire ses vêtements. Apprendre à coudre est la façon la plus concrête d’avoir une action positive vis a vis de l’impact climatique, en plus de la satisfaction de savoir faire quelque chose de ses 10 doigts.
La marque propose des patrons accompagnés de vidéos détaillées pour accompagner le client tout au long des étapes.
Les modèles proposés ont le délicat équilibre du style intemporel qui évite les besoins de consommation effrénée. Elle a partagé le constat que le période du Covid a boosté cette activité qui consiste à fabriquer ses propres vêtements mais également accéléré l’apparition de la concurrence de petites structures. Sur ce créneau il faut donc assurer la qualité pour se démarquer et pousser chaque fois le curseur sur ce critère un peu plus haut.
By Cat est une entreprise qui existe depuis 9 ans. Elle propose de la petite série, après avoir travaillé sur le concept de la pièce unique. Tout est fait à la main à Bordeaux suivant un rythme soutenu, car de nouvelles pièces sont proposées chaque mois. La confection est locale et le sourcing des tissus se fait à partir des stocks dormants pour des pièces au style intemporel, mais dont les petits détails font toute la différence pour ces modèles sobres et raffinés. Ils sont visibles dans le showroom que la marque a ouvert au 52 cours Alsace Lorraine à Bordeaux. La créatrice ayant eu 6 enfants, connait bien les enjeux vestimentaires, ce qu’est un vêtement et quels en sont les bons usages. Ce coté pratique a été renforcé par une ambition familiale partagée, car dorénavant une de ses filles travaille avec elle.
Madame Angèle développe son entreprise à travers un prisme physique et propose ses modèles à travers des événements ou des pop-up-store. Le projet de se fixer est en cours de réflexion et l’idée d’une boutique est désormais arrétée. La marque propose des créations exclusives réalisées de A à Z par une couturière qualifiée ou des vêtements de seconde main revalorisés. Elle vise principalement le conso-acteur de façon à lui proposer une offre de seconde main de qualité avec une curation pointue. Le choix du produit est important car Bordeaux compte déjà pas moins de 30 friperies. C’est ce qui l’a amenée à appliquer ces principes éco-responsables à un nouveau secteur , celui de la déco. Elle travaille avec des personnes éloignées de l’emploi pour les aider à se réaliser et en partant d’un gisement local de vêtements de seconde main qui dépasse la tonne dans l’agglomération bordelaise.
Maeli était au départ une entreprise parisienne, mais est venue s’installer sur Bordeaux. On les comprend! Quand on fait tourner son e-shop, peut importe la ville d’implantation. C’est un exemple là aussi de parcours qui bifurque et qui montre que certaines circonstances de la vie amènent les personnes à s’orienter vers ce qui les attire vraiment. La fondatrice, qui a emmené son compagnon dans l’aventure, a, au départ, fait des études de styliste, puis de commerce puis a travaillé dans la finance. Mais le Covid lui a fait changer de voie et aujourd’hui, elle a lancé une marque qui pratique l’upcycling et propose du prêt-à-porter en petite série avec également une offre de Do It Yourself pour faire son propre vêtement, en partant notamment de drap et rideaux. Ceux-ci peuvent retrouver vie comme vêtement ou comme coupon. La marque qui travaille avec un atelier à Niort a mis l’accent sur le digital et Instagram pour se développer.

(de gauche à droite)
Une session de pitchs pour dévoiler comment mode durable et économie circulaire peuvent cohabiter
Une fois passé le tour des entrepreneurs engagés dans cette mode durable, un second tour d’initiatives montrait au sein de la Philomatique, la diversité des engagements vers cette mode durable ou circulaire.
On a donc retrouvé Sloweare, entreprise bien connue dans la galaxie Fashion Green Hub qui propose un process de certification des entreprises vers un label RSE indépendant dédié aux marques de mode engagées en faveur de l’Humain, de la Planète et de la Culture. Eloïse Moigno, la co-fondatrice a fait un tour de la situation des labels et de leurs atouts, grâce à une cartographie, a évoqué son expertise, concrétisée par la publication du livre « La face cachée des étiquettes » et les atouts d’une démarche de certification.
Une autre Héloïse était assise à coté d’elle et a présenté sa démarche de coach en sourcing vertueux, permettant au entreprises de passer plus rapidement les étapes de leurs évolutions vers un stade d’entreprise responsable et respectant la nature, grâce à une démarche terrain, la transformation et la construction de chaînes d’approvisionnement plus respectueuses des hommes et de l’environnement avec son concept de Made with Integrity.
Les différentes discussions s’équilibraient entre les notions d’éco-responsabilité et d’économie circulaire et 2 autres témoignages sont venus éclairer ces principes.
L’artiste Alix Metatype travaille dans le domaine de la chaussure et il a montré comment le principe de l’économie circulaire lui permet de créer de nouveaux sacs avec d’anciennes baskets.
La marque Jeanneret est une marque de chaussures contemporaines inspirée par Le Corbusier et l’architecture brutaliste, dont les modèles sont proposés avec des finitions d’exception. La production repose sur le principe de la pré-commande avec une fabrication à Cholet. Elle est centrée sur le modèle de la chaussure de ville, le secteur de la basket étant très encombré.

L’après midi a vu de nouvelles tables rondes qui ont brossé différents sujets et expliqué comment par exemple une entreprise familiale comme Eram s’engage, sur la manière de faire passer les idées de la consommation responsable, sur le développement de l’utilisation de matières éco-responsables, pour le respect des normes sociales, sans oublier les nécessaires projets d’innovation.
Coté innovation, c’est le projet porté par Bolid Ster, entreprise qui a conçu un denim avec une fibre plastique issue de l’aéronautique qui a apporté la lumière sur une démarche disruptive. Cette fibre non destinée au textile à l’origine permet de donner une solidité particulière au denim proposé, avec notamment une capacité à résister à l’action abrasif d’une chute. Il est principalement destiné aux motards. L’autre particularité de cette entreprise est d’utiliser la blockchain et de pouvoir identifier chaque produit grâce à un QR Code.
Ces notions de conception innovante était complétée par l’approche de Alizarine Teinture, qui entre éducation et consulting développe son activité pour les profesionnels et les artisans dans le domaine de la teinture naturelle. Cette activité à haut impact positif, n’en est qu’au début de son développement et doit encore à l’heure actuelle démontrer son importance et l’existence d’un business model.

Présents à la Philomatique lors de cette journée, les acteurs régionaux ont montrés comment ils accompagnent vers l’excellence
Les présentations de cette journée, parfait échos de la Quinzaine de la Mode Responsable, donnait déjà un avant gout des enjeux écologiques qui seront évoqués lors prochain Festival Néo Terra qui se tiendra à Darwin les 28/29/30 novembre. Les solutions qui seront le sujet de ces futures tables rondes, mettant en avant les transitions pour l’avenir et les solutions au service du territoire et du vivant face aux défis du changement climatique étaient évoquées par les acteurs présents, comme l’Adème, l‘ADI Aquitaine et même la CCi locale. Ces organismes ont dressé le tableau des aides à l’éco-conception et ont reprécisé les sources d’informations ou on peut trouver des ressources qui permettent de faire évoluer les projets naissants afin qu’ils s’ajoutent au 120 projets qui depuis 4 ans ont déjà vu le jour grâce aux procédures d’accompagnement disponibles sur le territoire.
L’ADI propose sur son site une cartographie des différentes entreprises éco-responsables, dans différents domaines et notamment dans la mode. Cet organisme, qui est basé à Pessac, réuni 82 collaborateurs sur la région et possède des annexes dans différentes villes d’Aquitaine. Elle peut actionner des leviers sur tout le territoire, mais aussi en Europe. Les sujet de la formation, qui est un vrai sujet transversal actuellement, n’était pas oublié, puisque cette journée se déroulait à la Philomatique, qui est avant tout un centre de formation et accompagne les porteurs de projets.


Le HACKaMODE, a animé la fin de journée
Si la salle de couture de la Philomatique, transformée en salle de conférence était placée sous le signe d’une ambiance studieuse, une autre salle à quelques mètres de là, bruissait d’idées, d’ébauches et d’esquisses, car 3 équipes d’étudiants réfléchissaient à une problématique qui leur avait été présentée le matin : « Comment inciter les consommateurs à acheter des vêtements conçus et produits en Nouvelle Aquitaine » .
Ils avaient la journée pour élaborer leurs projets et même si on n’était pas à Station F, les itérations furent nombreuses tout au long des heures, précédant leurs présentations.

3 idées ont été proposées qui associaient éco-responsabilité et territoire.
Un groupe a proposé un projet autour d’un modèle de chaussure dont les semelles étaient issus du liège dont on comprend vite de quelle région viticole il provient.
Un autre groupe proposait « Gavébien », un projet qui se matérialisait par une plateforme digitale qui était à la fois pour vendre et éduquer, avec de la vente directe mais aussi des ateliers de sensibilisation.
Le troisième groupe à imaginé une idée de Marketplace pour les marques locales qui s’appelait de manière assez naturelle « Le Vestiaire Aquitain ».
Le jury a choisi de récompenser le projet « Gavébien », qui avait mixé à la fois une idée business et un nom de marque qui était typique du territoire. Cela a clôturé de bonne manière une journée enrichissante, avec les propositions d’une génération qui doit se projeter dans un avenir ou être éco-responsable devra peut être impliquer une plus grande sobriété dans nos modes de consommation et un changement de comportement.
Une épreuve de sobriété que l’on devait affronter très rapidement, car, derrière la porte nous attendait une collation de fin de journée, dotée de manière légitime quand on est sur les bords de la Garonne, de plateaux de canelés. Et il est difficile d’envisager une action empreinte de sobriété lorsque ce type de dessert nous attend.
Une autre conférence avait lieu quelques jours plus tard sur un thème proche à La Caserne. On a pu y croiser des personnes actives dans ce domaine, comme VirgoCoop, mais également des personnes vues quelques jours avant à la Philomatique, alors que cette journée bordelaise avait permis de croiser des personne de Paris, comme Eloïse de Sloweare. La connexion Bordeaux-Paris fonctionne et montre que ce sujet fédère au delà des régions et repose majoritairement sur l’engagement des acteurs humains.