Elysée Montmartre…20 h, défilé de fin d’étude de l’école LISAA…. On se dépèche de fixer le dernier accessoire, d’un rapide coup de crayon le trait de couleur se fait plus accentué au dessus de la paupière, on tire un peu plus fort sur le tissu qui ne prend pas la forme voulue, le pied est rentré, un peu au forcep, dans une chaussure qui n’est pas parfaitement confortable, mais tant pis, il va falloir faire avec… La playlist est lancée…. Certaines mains se joignent lorsque retentit ces premiers sons qui lancent le show. Le runway vibre d’impatience, les échanges entre les invités se transforment en chuchotements, comme des élèves dissipés qui ne veulent pas se taire et terminent leurs commérages en se cachant le visage derrière leurs mains ….
C’est juste un défilé, mais c’est pour la majorité le premier et surtout devant une affluence importante.
Bon, après tout, on ne fait d’études pendant 3 ans pour défiler dans sa chambre ou dans sa cuisine.
Alors les jeunes designers montrent sous cette verrière 19 ème siècle que l’on peut changer des codes archaïques, qu’on peut faire passer des messages engagés sur des panneaux en matériaux de récupération ou en taggant des robes, montrer des explosions hautes en couleurs, en volumes et en motifs.
Entre l’outwear et le tailoring, entre les coupes structurées et une profusion de poches modulables, il faut se mettre dans l’esprit que la capacité d’adaptation est celle qui sera le plus enviée demain. Chercher à définir de nouvelles règles d’un jeu du style qui doit évoluer, se transformer et comprendre que son impact est multiple dans la vie réelle, est l’ambition de cette jeune génération de designers qui prouveront peut-être que l’Upcycling est la Haute Couture de demain.
Le défilé de l’école LISAA a montré que la mode n’est pas au bout du rouleau. Cette jeune génération réveille ce rouleau, déroule ces tissus dormants et imagine en partant de pièces déjà découpées, issus de la récupération, des formes et des volumes auxquels notre oeil doit devenir sensible. Une esthétique qui doit intégrer de nouvelles perspectives, entre axonométrie ou anamorphose, chercher l’impact dans tous les domaines, visuel et écologique, sans oublier de jouer avec les matières et les couleurs qui peuvent être une armure ou un camouflage au milieu d’une nature qui tend à se réveiller à certains moments de forte méchante humeur.
20 createurs/créatrices ont présenté leurs travaux de fin d’étude
Les collections qui ont défilé ce 13 juin 2023 dans ce lieu historique de l’Élysée Montmartre, après avoir investit la Mairie du 5ème en 2022, sont l’aboutissement de trois années de travail acharné et de créativité des élèves du Bachelor Stylisme et Designer de mode de LISAA. Il a fallut que l’école opére une sévère et délicate sélection parmi toutes les pièces produites par ces 130 étudiants qui seront les professionnels de la mode de demain.
L’école les forme à une évolution majeure, un virage même qui va s’accentuer, avec la transformation digitale, que l’on ne découvre plus, mais qu’il faut maitriser et surtout les pousse à intégrer ces raisonnements qui doivent les amener à faire une mode plus durable et plus responsable, qui doit inclure le mot circulaire dans son vocabulaire, tout en restant désirable.
J’ai eu le plaisir de partager des moments d’échanges avec ces jeunes designers au cours de ce printemps. On discerne au cours des discussions, la perception de ces enjeux qui commence à maturer, on distingue des orientations qui vont se dessiner en fonction de leurs sensibilités et de leurs caractères et j’espère pouvoir, comme pour les marques qui sont présentes dans ce blog, les suivre tout au long de leurs prochaines évolutions.
Les 20 créateurs de l’école LISAA
Voila une sélection, ci-dessous, forcément personnelle, de créateurs/créatrices avec qui j’ai pu échanger ou vers qui ma sensibilité me pousse le plus.
JULIETTE NGUYEN PHU HUNG
Thème : Rébellion – C’est l’histoire d’une fille devenue femme dans un monde d’hommes. Écorchée par la vie et bercée au rythme du patriarcat, elle se bat pour accepter son corps et revendiquer sa liberté en tant que femme. Cette collection exprime le trop-plein, la colère, le besoin de s’émanciper de tous ces codes sociaux archaïques et d’éradiquer les privilèges de genre. Il est temps de se faire entendre, d’être qui nous sommes. L’heure est à la «RÉBELLION».
LISA PRAQUIN
Thème : Magnitude – Et si un tremblement de terre amenait notre vision à évoluer ? Deux styles et histoires bien distincts, le streetwear et l’époque baroque entrent en collision, telles deux plaques tectoniques et provoquent une explosion. Une explosion haute en couleurs, volumes et motifs. À travers la superposition, le travail textile et les couleurs, « MAGNITUDE » représente la structure interne de la Terre. L’épicentre du tremblement de Terre est la silhouette phare, les ondes qui en découlent sont les autres silhouettes.
ANGELO TASCA
Thème : Vert-Core – Inspirée par la nostalgie d’une excursion en montagne, « VERT-CORE » réinvente l’élégance masculine à mi-chemin entre vie active et repos en pleine nature. Entre outwear et tailoring, coupes structurées et poches modulables, et au travers de tissus naturels, cette collection est pensée pour répondre à de véritables besoins. Vert-core est ainsi la garde-robe parfaite de l’homme tout terrain.
SOYONG KIM
Thème : «BEAUTY IN IMPERFECTION » se penche sur le désastre de l’industrie de la mode et s’interroge sur ce qui peut être fait pour changer l’état d’esprit des consommateurs. C’est donc tout naturellement en réutilisant des chutes de tissus et des vêtements de seconde main, en les magnifiant, qu’a vu le jour cette collection, ces pièces uniques pensées pour donner confiance à celles qui les portent tout en rendant le monde meilleur.
LOÏS COUSIN
Thème : S Kizo – J’ai grandi entouré de béton et de coups de crayon. Inspirée de l’architecture urbaine, cette collection a vu le jour dans un univers underground et streetwear. Les vêtements adoptent une nouvelle dimension, plus technique, plus fonctionnelle, en explorant des concepts tels que les modules, la géométrie, la perspective et l’axonométrie. A travers des détails poussés : coupes, surpiqures, finitions, empiècements, la collection se dessine: c’est MORE & MORE.
LUCIE BENHAMOU
Thème : BunKheur – Noir. Noir est le fil rouge, ou plutôt devrais-je dire le fil noir, de ma collection. Inspirée par l’architecture brutaliste, elle se réapproprie l’univers du luxe afin de conter une évasion, une évasion à l’intérieur d’un « bunker précieux ».
TIOUKEL NDIAYE
Thème : « INITIAL » est un caméléon. Il s’est longtemps imprégné de son environnement et mélangé aux autres. Puis un jour il a explosé. Il s’est créé un jardin secret pour se protéger du monde extérieur et a utilisé la couleur comme armure.
Deux lauréats issus de cette sélection de 20 designers
Toute cérémonie de présentation comme celle-ci se termine par une récompense accordée à 2 créateurs/ créatrices ( Bon là, le second mot n’est pas utile, il s’agit de 2 lauréats 😉 )
LÉO LEMEE – Grand Prix de la Profession
Thème : Le Maquisard – C’est un mec, le mec qui bosse dans les bureaux, celui avec un poste important. Puis un jour il fait une connerie, le genre de connerie qui vaut des millions. Alors il part, il part se cacher dans le désert, comme un maquisard des temps modernes. Au fur et à mesure du temps qui passe, ses vêtements sont devenus trop grands, usés par le temps. Le tissu, déchiré par les branchages et habillé de feuillages. Il erre dans le maquis.
SAMI BENAZZOUZ – Grand prix du Public
Thème : «HAY SALAM » est le nom du quartier où se trouvait la maison de ma grand-mère et où, chaque weekend, se retrouvait toute ma famille. C’est à Hay Salam que remontent mes premiers souvenirs. Cette collection, naïve et brute, relate avec honnêteté, le dilemme que représente le fait de grandir. Laisser derrière soi sa naïveté et se conformer au monde, ou rejeter cela et garder l’enfant qui sommeille en nous. Aujourd’hui ma collection, plus qu’un récit, est un témoignage. Celui d’une personne jetant un dernier regard sur son passé.
Les autres sélectionnés pour ce défilé de fin d’année de LISAA étaient :
- REBECCA VASSEUR – THE ORIGINAL SIN – @xhuguette.rose
- LAURA-CASSIE DUPUY – ILLUSION D’OFFICE – @lodpy
- CHARLEEN BILLOT – IN THEIR SHADOW – @charleenbllt
- CLARA SOUCHET – REBIRTH –@rybackistudio
- MATHURIN QUEUDET – EXODIA – @ravi_upcycling
- ANAË PERRARD – 1962 – @anea.perr
- LUCIE DANSET – LA BALLAD’ÂME – @prudence.off
- SALMA BOUKAMOUM – I.C
- NATHANAËLLE FOURDRAIN – PSYCHOLOGICAL DISORDERS
- MALO LE MAOULT – A-76
- ERICK MAGANA SANTIAGO – FLY ME TO THE MOON
J’ajouterais à la liste qui a été définie par l’école, une autre étudiante de LISAA qui n’a pas eu de modèle dans le défilé, mais qui, pour avoir discuté avec elle, lors des journées ShowRoom, a été une personne qui a le mieux expliqué la construction et la réalisation des vêtements qu’elle avait imaginés. Une compétence de modéliste, qui transparait fortement au travers de ses travaux de styliste et que l’on ne doit pas négliger.
@Pauline Branchereau
LISAA Mode à Paris
LISAA MODE PARIS a développé des formations en stylisme, design de mode et création de marque. L’école propose également des formation en management, communication et marketing dans les secteurs de la mode et du luxe permettant d’étudier et de travailler en alternance. Pour plusieurs de ces mastères, les étudiants ont la possibilité de suivre l’enseignement en format e-learning (management du luxe, communication et marketing digital de la mode, marketing éco responsable, et en « retail et merchandising ».) De niveaux bachelor et mastère, ces formations sont enseignées en français et en anglais par des professeurs qui sont aussi des professionnels en activité.
L’école veut délivrer une formation pour les professionnels de la mode tournée vers l’avenir. LISAA sensibilise ses jeunes étudiants aux problèmes sociaux, éthiques et environnementaux de l’industrie de la mode. L’école est par ailleurs un partenaire majeur de nombreuses associations (Les Petits Frères des Pauvre, Emmaüs, Le Secours Populaire Français) et place l’écoconception au cœur de ses enseignements. Le défilé créé avec et pour Les Petits Frères des Pauvre en octobre 2022 en est un bel exemple.