C’est un endroit ou on ressent à chaque visite cette atmosphère particulière, quand vous pénétrez sous cette verrière, nichée au coeur du Marais. Derrière le silence, on sent l’activité, la besogne créative, on devine des personnes qui s’activent dans les autres espaces de cet ensemble dédié à la création. Pendant que vous passez devant une scénographie toujours parfaitement travaillée, vous admirez les modèles, immobiles, dressés dans le calme de cette cathédrale. Mais on a l’impression que si on était venu à l’improviste 15 minutes plus tôt on aurait peut-être aperçu toute une équipe qui, mètre, bracelet porte épingle, fil à la main préparait ces délicieux modèles, comme s’il fallait présenter une future collection. Hors, il s’agit d’une exposition sur l’histoire du créateur Azzedine Alaïa, Alaïa avant Alaïa, mais tout semble réel et d’actualité, comme si cela était sorti des ateliers le matin même.
Elle est visible au 18 rue de la Verrerie, Paris 04, jusqu’au 23 octobre.

Un couturier pudique qui aimait travailler directement sur le corps de la femme
Alaïa avant Alaïa est une exposition inédite et originale conçue et réalisée par la fondation dont le couturier avait souhaité la création plusieurs années avant sa disparition. A travers une somme de documents d’archives de photographies et de dessins, l’exposition analyse les années d’apprentissage qui séparent le jeune couturier en herbe sur le point de quitter Tunis pour Paris dans les années 1950, jusqu’à l’éclosion du phénomène Alaïa à l’orée des années 1980.
Une sélection rigoureuse de robes et de créations de ses débuts, un choix de modèles qui ont révélé au public, plus qu’un style, une oeuvre dès la fin des années 1970, dialoguent avec des vêtements intemporels, véritable géographie intime de ses inspirations inchangées. On découvre avec intérêt et surprise que la fameuse robe Mondrian, présentée par Yves Saint Laurent a en fait été imaginée par Azzedine Alaïa quand celui-ci travaillait pour d’autres créateurs. Thierry Mugler, avec lequel Azzedine Alaïa entretient une relation amicale forte l’encourage tant et plus, afin qu’il lance sa propre marque.
Alaïa avant Alaïa met en évidence le portrait d’un couturier aussi talentueux que pudique sur ces années de jeunesse durant lesquelles pendant plus de 20 années, les femmes ont constitué sa véritable école. Quand d’autres de sa génération affinaient leurs créations au sein d’école, d’ateliers ou de studio dans les maisons de mode, Azzedine Alaïa perfectionnait une technique devenue inégalable au contact d’une assemblée de femme, tour à tour protectrices, soutiens, clientes privilégiées avant de devenir les chemins inspirationnels de son oeuvre.


A son chevet de couturier les plus grandes accourent. Greta Garbo, lui suggère de grand manteaux d’hommes dans lesquelles elle aime s’envelopper d’anonymat. Arletty lui voue une admiration inconditionnelle. Sa proximité avec la femme de lettre Louise de vilmorin l’ouvre au cercle des artistes et à l’exercice de la mondanité. Azzedine Alaîa aimait faire de sa cuisine une pièce centrale ou recevoir ses nombreux amis. Il aimait particulièrement y partager des oeuvres littéraires ou chacun pouvait lire à haute voix des livres d’auteurs connus ou à connaitre.

Une cathédrale ou brule toujours le feu sacré de la création
Sous la grande verrière au sein même de la fondation posthume, là ou il souhaitait que ses expositions deviennent lieu de rencontres du plus grand nombre, Alaïa avant Alaïa distribue les témoignages rares, les récits subtils, les documents d’archives. Les robes d’hier nées de ces 3 décennies fondatrices, les créations plus récentes aux thèmes d’inspiration demeurées immuables révèlent une galerie de portraits de celles et ceux qui convaincus de son talent singulier l’ont accompagnés dans l’épanouissement de son art.
Dans le livre que son ami Donation Grau, lui a consacré, cet auteur l’interrogeait sur la relation entre la mode et l’élégance. Azzedine Alaïa lui répondit : « la mode est une invention, l’élégance est une vérité. Le paysan des champs est asssi chic avec son tablier et ses sabots, que la femme sophistiquée des magazines. Ce sont des vérités différentes. Mais l’invention joue un rôle égal dans les deux« . C’est un des rares couturiers a être sorti des exigences des calendriers de la Fashion Week.



La librairie et le café complètent parfaitement, au 18 rue de la Verrerie 75004, Paris, cette ballade dans ce territoire du travail de précision et de l’élégance.