Trouver un jour un lien entre la banlieue et Madame Grès, patronne de sa maison de Haute Couture depuis les années 30, sous le nom de « Maison Alix », ne semble pas au premier abord évident. Et puis, quand on écoute Mossi raconter son histoire, on comprend que 2 contraires peuvent finalement, non pas se repousser, mais s’associer et donner au delà des conventions, naissance à une belle aventure.
Un projet mode qui a tracé son chemin entre banlieue et valeur du travail
Son histoire en banlieue aurait pu le mener ailleurs, sa filiation malienne aurait pu l’éloigner de la Haute Couture parisienne, mais finalement l’un et l’autre ont été deux éléments qui par un mouvement de planète mystérieux se sont rejoint. Mossi c’est d’abord un créateur engagé, un designer talentueux qui sait être aussi sourcier (non, pas sorcier, sourcier ! ). Il a créé sa maison de Haute Couture et propose depuis plusieurs saisons ses collections à l’élégance inspirée par le travail du flou, qui était la marque de fabrique de Madame Grès.
Son coté sourcier c’est au travers de l’école de Mode, nommée Les Ateliers d’Alix (prénom qui fut le premier nom de la maison de couture de Madame Grès) qu’il permet de faire jaillir de ce territoire loin d’être le plus favorisé, les talents de demain. Implantée du coté de Villiers sur Marne, ville dans laquelle il a grandi, les cours font découvrir les ressources d’une bonne technique et les valeurs du travail et de l’exigence. Dans cette école, on travaille à maitriser tous les aspects de la couture et à respecter le tissu. Le but n’est pas de former des designers mais de talentueux artisans qui sauront bâtir et monter des silhouettes inoubliables. Son école propose des formations de Haute Couture sur 3 années, mais également des cours à la carte, un cycle d’initiation à la couture ou encore permet de passer son CAP de couture en candidat libre. Les élèves de son établissement peuvent bénéficier d’aides pour suivre cette scolarité de fil et d’aiguille et forment un groupe dont les âges vont de 25 à 50 ans.

Ce jeune créateur, il a 35 ans, a, au delà de ses activités pédagogiques, déjà 2 emplacements commerciaux au Carrousel du Louvre. Situés à coté de la pyramide inversée, une forme symbolique en ce qui le concerne, car il a, lui, bien réussi à inverser les tendances et notamment cette trajectoire de la mode en la rendant plus accessible et plus décloisonnée, il dispose d’un espace au sein du Carrousel et d’un corner dédié dans le Printemps du Louvre.
Mossi, un designer qui mixe les arts
Mossi sait ce que veut dire mixité. Pas uniquement parce que sa vie s’est positionnée entre la banlieue et l’avenue Montaigne, il a organisé un défilé dans cette avenue du luxe, mais parce qu’il sait dialoguer avec des artistes qui exploitent d’autres voies que les siennes. Sa collection précédente, que l’on trouve aujourd’hui en ligne, a été imaginée avec le peintre malien, Ibrahim Ballo. La nouvelle a été conçue avec la sculptrice Angélique Lefèvre.
Cette confrontation intellectuelle et artistique permet de voir éclore de nombreux motifs, géométriques, graphiques, avec des échelles différentes qui donnent des tissus aux motifs réguliers ou au contraire grâce à des effets de zoom, un fond tramé plein d’ampleur. Ce dialogue entre artistes est là pour créer une émotion et faire passer ce message, qu’au delà du travail, il y a une histoire et un engagement pour une mode plus rassembleuse et inclusive.
La technique est toujours impeccable. Les drapés forment de douces enveloppes corporelles et permettent de proposer de beaux produits avec un tomber impeccable, d’une souplesse qui sait habiller le corps féminin sans le corseter.

Cette recherche artistique n’atténue pas la recherche de la nouveauté et de l’innovation. Certains modèles pour le haut offrent la douceur d’une fibre faite à partir de caseïne de lait. On trouve également toute une ligne imaginée dans un tissu doudoune, qui va parfaitement à des hauts mais s’adapte parfaitement bien, aussi surprenant que cela semble, à une robe. C’est aussi à cela qu’on voit comment le style Haute Couture de Mossi est à la fois fait d’un respect pour le métier de la haute couture et inspiré par la rue.
Angélique Lefèvre, sculptrice, la collaboration 2022
Les motifs des sculptures d’Angélique Lefèvre se retrouvent en imprimé sur les modèles de la collection Automne/Hiver 2022 à différentes échelles. Le motif tête de mort, dans un camaïeu de bleu, rappelle à Mossi son envie de faire un défilé dans les catacombes. Ce qui finalement assez difficile à organiser. Il est vrai que c’est un endroit ou il est facile de tomber sur un os. Mais Mossi est près à tout. Il avait dès ses débuts, organisé un défilé avenue Montaigne, comme évoqué plus haut et le Père Lachaise a été un autre de ses terrains de jeu ou il a pu montrer que la Haute Couture issue de la banlieue était bien vivante.
La collection avec Angélique Lefèvre comprend de nombreuses pièces, dont certaines sont proposées en une belle matière en laine froide mélangée et comprend donc ces modèles de robe doudoune.
Il continue par ailleurs de développer un de ses éléments signatures, le travail très particulier autour de la manche. Celle-ci peut se transformer en ceinture ou encore se multiplier comme les bras d’une divinité hindoue, pour donner une architecture à la robe ou souplesse et originalité fusionnent et créent une robe divine en popeline de coton dotée de 6 manches.





Mossi Traoré a remporté le prix de l’Andam en 2020 , est à la tête de la marque qui porte son prénom et de l’école de mode « Les Ateliers d’Alix ». Ce nom vient de son admiration pour le travail de Madame Grès, qui se nommait « Alix » à ses débuts. « Cette femme faisait partie des quelques femmes qui dominaient la mode des années 30. Sur la base d’un fourreau fluide aux décolletés savants, les couturiers dominés par les femmes à la création, rivalisent d’ingéniosité. Dans cette course qui fait triompher la technique et la quête de la coupe la plus invisible qui soit, les ateliers de Jeanne Lanvin, Madeleine Vionnet et Alix excellent« . C’est ainsi qu’Olivier Saillard présente Madame Grès dans son Bouquin de la Mode. Une belle source d’inspiration pour un jeune designer.