La rue de la Chaise à Paris, du coté de Saint Germain des Prés, n’avait jamais si bien porté son nom en cette fin du mois de Juin 2023. Interdite à la circulation, une nombreuse affluence était venue poser son séant sur 2 rangées de chaises alignées en plein milieu de la rue. Pas question pour autant de faire un sitting, mais plutôt d’assister à un défilé, oui, mais un défilé de mode, celui de Ken Okada, originaire du Japon, présente en France depuis plus de 10 ans et dont la boutique est située dans cette rue select du 7 ème arrondissement.
Portant au dessus de leurs têtes des parapluies, un peu pour conjurer le temps instable, inciter les orages à aller s’exprimer plus loin, ces accessoires avaient plutôt un rôle d’ombrelle, décorés de longues bandes de tulle qui voletaient dans cette atmosphère estivale. Cette armée de méduses en tulle et tafetas blanc était inspirée du décor trés particulier de la boutique qui vous accueille dans une sorte de cocon doux aux formes arrondies.
Ce jeu de découpe est peut-être un signal d’une prochaine mue, ou la chrysalide deviendra papillon, annoncant le changement de ce décor dans lequel on aimait bien se perdre.
Chacune et chacun ayant pu s’installer et s’assoir dans cette rue qui de piètonne était devenue carrément une rue salon, d’autres ayant préféré rester debout et les voisins de la créatrice, leurs fenêtres déjà ouvertes, vu la chaleur, n’avaient qu’à s’accouder pour profiter de ce spectacle qui fait partie désormais d’une vie de quartier et des habitudes que l’on aime à retrouver.
Ken Okada, la technique japonaise croisée avec une sensibilité toute parisienne
Ken Okada fédère autour de ses défilés, toujours un groupe d’amies et de connaissances qui viennent présenter avec grâce et féminité les modèles que la créatrice japonaise conçoit chaque année avec cette ligne structurée et pleine d’inventivité qui est si caractéristique de son talent. Entre le modernisme de ses collections et le formalisme de l’art japonais, Ken Okada s’échappe des pesanteurs urbaines pour nous offrir des collections structurées, mais modernes, ou la chemise pour femme ou homme devient bijou, sculpture, tenue d’intérieur, manteau….
Toutes ces bandelettes de tulle qui virevoltent, tourbillonnent et se glissent comme des traines aériennes montrent que chez cette fashion designer japonaise, la mode n’est pas là pour entraver le corps féminin, mais pour l’accompagner. Cols multiples comme une corrolle pour sublimer la gorge, pince pour souligner la taille, pans longs pour envelopper les hanches, taille asymétrique pour le coté contemporain et le dos nus, un exercice parfaitement réussi chez Ken Okada, qui continue dans sa volonté de révéler une féminité sans trop en montrer. Une ligne qui trouve sa voie dans une belle modernité, sophistiquée, qui laisse voir le bon coté de la technique, celle apprise au Bunka Fashion College de Tokyo comme Kenzo Takada et Yohji Yamamoto.
Le défilé était un élément clé de l’animation du quartier. Il était précédé dans cet esprit fortement marqué par le Japon, d’une démonstration proposée par des spécialistes de L’Aïkido. Cet art martial japonais se distingue de la majorité des autres arts martiaux, par le fait qu’il n’y a pas de compétition et que la violence est proscrite.
On cherche à utiliser son énergie à bon escient, à conserver une sorte d’équilibre face aux aléas agressifs de l’existence. Un peu comme cette mode inspirée du Japon qui récupère l’énergie parisienne pour en faire des modèles drapés d’élégance.
Ce diner des voisins cloture les animations de la fashion week dans ce quartier. Chacun vient et peut réserver une table qui elles aussi sont descendues dans la rue pour permettre à tout le monde de se sustanter dans la bonne humeur et en bonne compagnie. Et pas d’horodateur pour ces tables d’hôtes, on peut y passer la soirée!