Il reste quelques semaines pour les amoureux de la mode ou de la première moitié du 20 ème siècle pour aller découvrir ou admirer les oeuvres de l’audacieuse et inspirante Elsa Schiaparelli, créatrice italienne, dont l’inspiration s’est nourrie d’une relation privilégiée avec les artistes du milieu de l’avant-garde parisienne des années 1920 et 1930. C’est en effet jusqu’au 22 janvier 2023 que le Musée des Arts Décoratifs met à l’honneur cette créatrice, l’occasion de redécouvrir sa fantaisie novatrice, son goût du spectacle et sa modernité artistique, toujours en vogue, puisque la marque fait encore partie des calendriers des fashionweek.
Shocking! le rose qui défie le temps !
Les mondes surréalistes d’Elsa Schiaparelli, réunis rue de Rivoli, rassemblent 520 oeuvres dont 272 costumes et accessoires de mode, mis en regard de peintures, sculptures, bijoux, flacons de parfum, céramiques, affiches, et photographies signées des plus grands noms de l’époque, de Man Ray à Salvador Dalí, de Jean Cocteau à Meret Oppenheim ou encore d’Elsa Triolet. Cette grande rétrospective met également en lumière l’héritage du style Schiaparelli avec des silhouettes interprétées par de célèbres couturiers lui rendant hommage : Yves Saint Laurent, Azzedine Alaïa, John Galliano, Christian Lacroix.




Dans notre époque contemporaine qui conçoit le dialogue étroit entre mode et art comme une évidence, plus que jamais Elsa Schiaparelli semble de notre temps, en couturière « inspirée » comme elle aimait à se définir elle-même. Élevée dans un milieu humaniste et érudit, Elsa Schiaparelli (1890-1973) a embrassé la mode en ne reniant jamais sa profonde fascination pour l’art et pour les artistes, tout en devenant autant créatrice que femme d’image, s’amusant de la haute couture comme d’un kaléidoscope, robes du soir, tenues de ville, modèles sport, accessoires, et parfums. On remarquera dans les premières salles, la collection de dessins qui vont bien au delà d’une simple esquisse et sont réalisés comme de vrais tableaux.
Esquivant les pesanteurs d’un milieu social, elle lui offre la liberté d’explorer les formes et les inspirations, celles qu’elle construit avec fougue et humour avec ses amis artistes, dont nombre la considère pleinement artiste elle-même. Cela lui permettra de faire de riches séries de collaborations qui illuminent une constellation d’artistes : ainsi Elsa Triolet, Jean Cocteau et Salvador Dalí pour ses collections de mode et d’accessoires.
Elle qui s’est trouvée affublée du même prénom que sa bonne, car lors de son baptème, personne n’avait pensé à lui en trouver un, car c’était une fille alors que ses parents espéraient un garçon, elle a développé une volonté aigüe d’exister et un sens accéré du détail à travers des modèles largement inspirés par l’esthétique surréaliste, détournant motifs et matériaux les plus étonnants : plastiques transparents, boutons en forme d’écrevisse, « poches tiroirs », homards. Elle inspire tout autant Man Ray et devient son modèle : de nombreuses photographies témoignent de cette complicité fructueuse.
Au delà de l’accessoire traité à la mode surréaliste, on peut également retrouver les sources d’inspirations qui lui sont chères : l’Antiquité italienne, la nature et la musique, tout au long des salles de l’exposition.



Le parcours s’achève sur les silhouettes contemporaines réalisées par Daniel Roseberry avec un final spectaculaire traduisant avec sensibilité et force l’inspiration surréaliste de son éminente fondatrice. Une inspiration qui s’est retrouvée dans les jardins de la Maison Blanche, lorsque Lady Gaga, qui portait un ensemble Schiaparelli, a chanté l’hymne américain pour l’investiture de Joe Biden avec entre autre, sa colombe dorée.




L’exposition souhaite offrir aux visiteurs l’incroyable liberté de création, liberté de surprendre, liberté de dialoguer, liberté d’être soi-même, à travers modèles, dessins et bijoux dont nombre d’entre eux, des milliers pour les dessins en particulier, ont été donnés en 1973 par Elsa Schiaparelli à l’Union française des Arts du costume, dont le Musée des Arts Décoratifs conserve les fonds. La Haute Couture lui doit beaucoup, car elle a vécu son art comme le lieu fécond des croisements les plus inattendus et les plus fertiles, elle qui se révait parfois écrivaine. Quel que soit le support, elle aurait de toute façon donné sa touche personnelle et ses mémoires, qui se lisent comme un roman, laissent, à certains moments, poindre un léger doute quand à l’exactitude de tout ce qui est écrit. Même si le fait de trouver des souris au 21 place Vendôme ressemble bien à la vraie vie de l’époque!
En vingt-cinq ans, Elsa Schiaparelli fait de la mode une respiration naturelle de l’avant-garde, un terrain de jeux où réinventer autant la femme que la féminité, l’allure autant que l’esprit, en une oeuvre qui reste d’une actualité saisissante. Elle incarne une vision d’un Paris éclatant et vibrant, curieux de tout, s’amusant de chaque nouveauté.
La « cage aux parfums » révèle l’écrin de ses originales créations olfactives dont le fameux « Shocking » qui deviendra un succès mondial, donnant tout son sens au génial sens du marketing de la créatrice.