C’est au JAD (Jardin des métiers d’Art et du Design) à Sèvres, juste après avoir traversé la Seine et laissé derrière soi Billancourt, que l’on peut apprécier cette exposition « Tisser l’avenir, Habiller le corps » qui nous invite à explorer la richesse des matières, d’acteurs et de métiers qui participent à la création textile contemporaine durable.
Elle offre une porte d’entrée essentielle pour comprendre les coulisses de cet univers et déploie son propos sur trois axes :
- La sobriété,
- L’emploi du réemploi
- Le retour à la naturalité.
« Préparez-vous à être éblouis par la beauté, la créativité et l’ingéniosité de ces fils entrelacés qui tissent les liens tendus vers le futur. » nous dit Pascal Gautrand, commissaire de l’exposition.
Pour mieux comprendre de manière concrête, comment on peut créer une mode durable et désirable
Au coeur des problématiques de son époque, fidèle à la ligne de programmation que le lieu a adoptée depuis son ouverture en septembre 2022, le JAD consacre traditionnellement son exposition de janvier à un enjeu crucial de société : après SemperVirens, Objets désirables pour un monde durable (janvier/mai 2023), dédiée à l’éco-conception, c’est à la mode durable et désirable que s’attèle Tisser l’avenir, Habiller le corps.
Ces dernières décennies, l’art de créer des vêtements transcende la simple fonction utilitaire et constitue un mode d’engagement et d’expression artistique à part entière. La diversité des matériaux et des techniques à disposition des créateurs permet d’infinies possibilités de conception. Les artistes, artisans d’art, designers et marques donnent vie à des pièces uniques qui s’inscrivent en faux vis-à-vis de l’industrie textile et de son impact délétère sur l’environnement.
À travers cette exposition, son commissaire Pascal Gautrand – expert en design de mode et fondateur de Made in Town et du Collectif Tricolor – nous invite à explorer la richesse de matières, d’acteurs et de métiers qui participent à la création textile contemporaine.
La sobriété s’exprime par une présentation des savoir-faire d’exception représentés par différentes générations de créatrices, de costumière de théâtre à inventeur.e de métier à « tricotisser ». Ces créations démontrent comment plusieurs générations de femmes ont développé des gestes et une conception minimaliste du vêtement qui rappellent l’importance de revenir à l’essentiel, à l’élégance de la simplicité et à l’art de concevoir des pièces qui durent dans le temps.
Le sujet du réemploi est important désormais, mais au delà de la réglementation, (Loi Agec notamment), il faut séduire le consommateur avec des pièces désirables, issues de l’upcycling, comme celle de la marque pionnière dans ce domaine qu’est Andrea Crews. Elle est accompagnée par d’autre hérault de cette discipline, dont on peut découvrir les créations, comme celles en jean retissé de la lauréate du Prix Liliane Bettencourt pour l’Intelligence de la Main ®, Aurélia Leblanc et de l’artiste-brodeuse Anaïs Beaulieu.
Sont rassemblées dans cette exposition des pièces vestimentaires issues du recyclage de vêtements, de textiles ou de matériaux existants, leur offrant une seconde vie et prolongeant l’usage de la matière pour ralentir le temps, le rythme de la mode.
Le retour à la naturalité, laisse la part belle à une harmonie avec la nature et à la durabilité, grâce à l’utilisation de matières naturelles telles que le lin et la laine, qui favorisent ainsi la biodégradabilité et qui réduisent l’empreinte environnementale. Les créateurs présents mettent en lumière des fibres traditionnelles, des pratiques ancestrales comme la teinture à base de plantes tinctoriales (on connait notamment Neprun sur ce sujet), ainsi que des approches novatrices qui dessinent les filières de production de demain.
Cette exposition est un peu l’antithèse de celle évoquée précédemment, consacrée à Iris van Herpen. Non par sa philosophie, les 2 mettent l’éco-responsabilité au centre du débat, mais plutôt par son principe de scénographie. A Sèvres, on acte la simplicité, il y a juste une grande pièce et les élements montrés nous semblent proches de notre quotidien. Qui n’a pas un jean un peu déchiré dans son armoire ? C’est le point positif de la démarche faite au sein du JAD.
Une approche concrêtre des problématiques de mode durable qui nous font prendre conscience facilement que l’on peut agir en tant qu’individu. Moins jeter, réparer, transformer ou le faire faire.
Une manière de lutter contre la scission que certains constatent, et que souligne le commissaire Pascal Gautrand, entre d’un côté les formations qui portent sur le textile et traitent de l’amont de la chaîne de production et les formations portant sur le design de produit, en aval de cette chaîne.
Le JAD à Sèvres veut promouvoir le dialogue entre métiers d’art et design
Depuis son ouverture en septembre 2022 à l’initiative du Département de Hauts-de-Seine, le JAD, Jardin des métiers d’Art et du Design, est un lieu de production consacré à la création contemporaine et au dialogue entre métiers d’art et design. Il accueille aujourd’hui quinze artisans d’art et designers sélectionnés pour leur pratique et l’approche innovante de leurs métiers. Ce lieu favorise l’apprentissage et le partage des connaissances, par la rencontre et l’expérimentation entre les créateurs. Ouvert au public, le JAD met en lumière les savoir-faire d’excellence à travers sa programmation culturelle et son offre de formation accessible à tous.
Actuellement, du 17 janvier au 21 avril, cette première exposition de la saison 2024 : « Tisser l’avenir, Habiller le corps », présente cette intéressante réflexion sur les savoir-faire d’exception du textile et leur contribution à une mode durable.
Le Jardin des métiers d’Art et du Design (JAD) – 6 Grande Rue 92310 Sèvres – Accès – Métro L9 Pont de Sèvres – Arrêt de Tram T2 Musée de Sèvres.
Elle est accompagnée d’un programme de conférences et d’ateliers pour ceux qui veulent aller plus loin (voir sur le site JAD), et il est à signaler que l’entrée est gratuite, à un moment ou les musées, notamment le Louvre, augmentent le prix de leurs billets. Cette exposition bénéficie d’ une médiatrice, impliquée et pleine d’enthousiasme, qui a contribué, le jour ou je fus présent, à l’intérêt de cette exposition et également d’un catalogue, gratuit lui également, qui permet de repartir avec une vue précise de tout ce que l’on a vu.