La Haute Couture est une exception française et comme l’indique le nom de la Fédération, elle est au cœur de l’écosystème de la Mode. D’une grande modernité, elle est une passerelle permanente entre une tradition d’excellence des savoir-faire et une contemporanéité de la création intégrant aujourd’hui des techniques de fabrication à la pointe de l’innovation. Les collections de Haute Couture sont présentées deux fois par an en janvier et en juillet. Voici quelques exemples de ce que la capitale de la mode révèle pour nous faire rêver chaque année.

Schiaparelli

C’est Daniel Roseberry, designer texan, qui a la lourde tache de faire vivre la marque Schiaparelli en plein 21 siècle et entre des périodes de confinement, qui ont tendance à rendre la vie sociale et les occasions de sortir, maigres comme un chat errant. Cette couturière surréaliste qui a connu les années folles, semble avoir compris avant l’arrivée des réseaux sociaux, l’impact de l’image qui fait briller aujourd’hui un compte Instagram. En 2021, les formes audacieuses et les bijoux dorés de la nouvelle collection trouvent leur place sur la scène de la fashion week grâce à une vidéo de moins de 4 min. Et l’aide de Lady Gaga.

Ce cocktail surprenant de couleurs, mélant les archives d’une maison de couture italienne, un designer texan et une inspiration hispanique donne une collection nommée Matador. Il faut dire qu’Elsa Schiaparelli s’entendait très bien avec Salvador Dali. Revu par l’oeil d’un texan, le style sort la mode hispanique de son IGP et lui donne un coté méditerranéen moderne, un peu comme Oteyza dans la mode masculine.
Couleur, brillance, bijoux de taille XXL, le surréalisme n’est pas mort chez Schiaparelli. La veste se dote de seins pointus, c’est pas une idée que l’on a vu déjà quelque part ? les broderies s’émancipent, les chaussures ont des semelles compensées, le doré est omniprésent et transforme la tenue, la robe, en décor de scène qui donne de l’amplitude et de la folie à une époque qui cherche à déchirer le voile du confinement. Cette collection est une fantasmagorie qui tourne autour de la tauromachie et donne envie de descendre dans l’arène pour séduire la jeune femme et la protéger des cornes du taureaux.
On retrouve la nature omniprésente, sous forme de la fleur, en tant que bijou ou en tissu. La ceinture en forme de main prend la forme du bras de l’amant qui se love autour de la taille. Une jolie idée.
Lady Gaga ne s’y est pas trompée. Elle a porté une une tenue Schiaparelli lors de l’investiture à la Maison Blanche du Président des Etats Unis, version démocrate et a interprété l’hymne national américain, colombe de la paix sur l’épaule.

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Iris Van Herpen

Elle avait trouvé trouvé l’inspiration au fond de bois, lors de son défilé précédent, mais pour cette nouvelle session, Iris Van Herpen a choisi une nouvelle dimension. Celle des sommets, de l’espace. C’est depuis les sommets des montagnes dans les Dolomites que sa nouvelle collection, intitulée “Earthrise”, dévoile ses collections écoresponsables utilisant des matériaux recyclés. Cette mode humaine et respectueuse de notre environnement prend ses aises au sommet de ces pics montagneux ou le grand air et le souffle puissant de son art gonflent les tissus amples et les découpes architecturales de cette designer hollandaise qui suit un chemin bien particulier. Les broderies semblent minérales ou faites d’écailles, symbole d’un travail artisanal soigné, les drapés forment de longues traines comme des costumes de scène dotés de découpes et de plissés spectaculaires.
Il faut aussi souligner qu’une robe de Haute Couture peut voler à des hauteurs insoupçonnées. C’est le cas lorsqu’elle est portée par Domitille Kiger, la championne du monde de freefly qui sautant d’un avion au dessus du bassin d’Arcachon traverse notre ciel comme une comète. Ce n’est pas le cas de Iris Van Herpen qui, elle, n’a pas la luminosité fugace d’une comète et nous offre, à notre grand plaisir, la permanence de son talent.

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Christian Dior

Maria Grazia Chiuri nous avait habitué à un défilé onirique conçu comme un film au début de cette année. A l’été 2021, retour a un défilé plus classique avec de longues lignes droites comme à Lonchamp ou les modèles se suivent à un rythme rapide. La matière est mise à l’honneur à la fois sur les modèles et sur les parois de cette fashion capsule qui s’est posée dans les jardins du musée Rodin.

On découvre se suivant sur un rythme plus proche du tango que de la valse, d’élégants modèles, aux coupes amples, plutôt classiques ou carreaux, tweed, textures et chiné montrent que les constructions en chaine et trame font aussi partie de la Haute Couture.
Si les formes sont amples, la taille est serrée, le gris, une couleur sensible chez Dior, se teinte d’ombres, les festons autour de la ceinture arrondissent la silhouette, les robes se parent de motifs brodés, fleuris, dans une coupe très Reine d’Aquitaine. L’amplitude laisse le corps de la femme vivre sous une longueur de jupe qui joue les prolongations et s’acoquinent de sweats également de grande taille.
Les tissus plissés de la robe ou de la jupe créent une sorte d’harmonie avec les motifs des parois tissées par les ateliers indiens et le gris devient subtil en se mixant avec d’autres fils de couleur pour des tailleurs modernes, dotés d’épaules arrondies ou même comportant un short large. Les modèles se déclinent en couleurs, beige ou nude, spectaculaire par son coté perle nacrée et même le camo devient luxe avec un graphisme chic très avenue Montaigne.
Les tenues sont accessoirisées par des casquettes façon bombe d’équitation, des revers larges et une absence de monogramme, qui est laissé à la disposition de l’accessoire. De la bombe d’équitation à la queue de cheval, il n’y a qu’un sabot et les mannequins ont tous cet attribut très féminin, symbole de la femme qui se veut être active et féminine.
On remarque l’art savant de décliner les robes du soir dans un superbe tissu soyeux et chamarré, qui sublime la femme qui a choisit ce modèle à poitrine asymétrique. Les modèles du soir et de réception sont dotés de longues traines.
La vidéo en plan fixe fait, elle,16 min, pour assurer son statut de marque emblématique, pilier d’une Paris Fashion Week qui retrouve une partie de son public.

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Un décor Dior au musée rodin

C’est dans les jardins du Musée Rodin, Paris 7 ème, que la marque Christian Dior avait imaginé faire son défilé dans une installation éphémère élaborée suivant un projet de l’artiste plasticienne française Eva Jospin. Comme ce défilé physique remettait sur le devant de la scène, la notion du touché, les parois étaient conçues en panneaux entièrement tissés et brodés par les ateliers indiens Chanakya et la Chanakya School of Craft.
Un décor qui n’a pas disparu immédiatement après le défilé et est resté quelques jours disponibles pour les amoureux du travail soigné et de la Haute Couture. Un savoir faire textile indien qui a également été démontré par le défilé de Vaishali Shadangule lors de cette Paris Fashion week.

Haute Couture - Dior
 Dior
Défilé Christian Dior suivant une idée d’Eva Jospin
 Dior
Défilé Christian Dior suivant une idée d’Eva Jospin
Haute Couture - Dior
Défilé Christian Dior suivant une idée d’Eva Jospin

Martin Margiela

On ne l’attendait plus dans un vrai délire, comme on l’avait connu lorsqu’il était à la tête de Dior. Oui, mais voila , alors que les marques proposent des videos pour cette session Haute Couture qui atteignent les 16 mn au max, Martin Margiela sous la houlette de John Galliano propose un véritable film. Comme l’explique Vogue : « Au début du film, on voit John Galliano décrire la collection à Olivier Dahan alors qu’elle est en cours de réalisation dans l’atelier Maison Margiela. Le scénario est le fruit de “plusieurs heures de conversation”, tout comme le choix de l’éclairage qui baigne les acteurs-mannequins dans la lueur d’un tableau de maître hollandais et les plans qui s’attardent sur les détails des vêtements. »
Une rencontre entre le cinéma et le monde des défilés de mode qui, au delà du style des modèles qui défilent, pourrait initier un bouleversement de ces métiers, induit par la technologie et les différentes contraintes d’un monde qui doit se protéger.

La collection Haute Couture s’appelle « artisanal », se qui est une des bases de ce travail d’orfèvre du tissu et du bâti. Le film nous plonge dans les discussions précédant la réalisation du film et au coeur des ateliers lors de la réalisation des modèles dans une ambiance sombre à contre-jour.

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Charles de Vilmorin

Charles de Vilmorin a déjà retenu l’attention d’une foule nombreuse sur la scène de la mode. La présentation de sa collection Haute Couture a été agrémentée d’une vidéo de 5 mn ou un groupe de femmes traverse une carrière de sable. Sans doute que pas un.e critique ne considérera qu’un grain de sable a enrayé cette machine à créer des modèles qui plaisent. Comme une tribu d’amazones, dans une ambiance qui peut faire un peu fin du monde, le designer a choisi de s’inspirer de la nature, un peu comme tout créateur un peu conscient des excès de la mode.
Les robes se font fleur, les couleurs sont plus sobres, tout autant dans les coupes et la forme de bijoux qui, comme chez Schiaparelli en haut de cette page, prennent des dimensions xxl et se transforment en bijou de visage. Moins surréaliste, que ce à quoi il nous avait habitué jusque là, une habitude récente, car sa marque a été lancée il y a à peine plus de 12 mois, il confirme l’adage, qu’étant déjà l’un des neuf finalistes présélectionnés pour le Prix LVMH des jeunes créateurs 2021, et directeur de création de Rochas, la valeur n’attend pas le nombre des années.

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Bien sur, chaque collection est désormais accompagnée de son accessoire indispensable, la vidéo. Devenue omniprésent, cet objet numérique sensé montrer des images et transmettre des émotions, fait sortir les modèles de Haute Couture des salons réservés au happy few. Mais le monde digital n’est pas encore complètement différent du monde réel quand on regarde le nombre de vues de ces différentes vidéos. (vues notées début Aout 2021)

  • Schiaparelli : 251 823
  • Iris Van Herpen : 113 576
  • Christian Dior : 1 819 303
  • Martin Margiela : 296 569
  • Charles de Vilmorin : 8799