L’Europe met en avant la mode durable et présente 28 créateurs engagés de l’Union européenne à Paris

La mode parisienne est en pleine ébullition, d’une part parce que la dernière fashion week vient de se terminer avec des présentations très attendues des nouveaux designers nommés ( J. Anderson, Dior et M.Blazy, Chanel), mais aussi parce que l’on découvre qu’un certain distributeur français, le BHV Marais, souhaite accueillir l’acmé de la fast fashion aux coeurs de ses rayons rue de Rivoli. L’exposition proposée par l’Union européenne, qui se déroule tout au long du mois d’octobre, au 28 place de la Madeleine dans le 8e arrondissement, tombe à pic.

Comprendre les enjeux du textile d’aujourd’hui et de demain grâce à l’Europe

L’exposition met en lumière 28 créateurs de mode venus de toute l’Union Européenne ainsi que d’Ukraine. Tous ont été sélectionnés car ils conçoivent leurs pièces à partir de l’upcycling ou parce qu’ils suivent des pratiques éthiques et durables. Le but de cette exposition est d’inviter les visiteurs à découvrir, en plus des créations présentées, les actions en cours au niveau européen et français pour limiter les impacts négatifs sur le plan environnemental et social de certaines pratiques dans l’industrie textile, l’une des plus polluantes au monde.
L’exposition souhaite montrer que dans chaque pays des forces créatives repensent la mode et prouvent qu’une démarche responsable peut donner naissance à des pièces aussi désirables que variées, loin d’une production plastique à la chaine laissant à désirer comme le proposent les acteurs chinois spécialistes de cette Ultra Fast Fashion.
Tenue du quotidien, robe de soirée ou création de haute couture, la sélection présentée illustre la diversité des styles et des savoir-faire en résonance avec la devise européenne « unie dans la diversité ». Le principe de l’upcycling, n’est pas une invention nouvelle. Nos grands-mères le pratiquaient déjà à une époque où les matières premières étaient rares et précieuses. On le pratiquait aussi dans le monde de la Haute Couture lors des années difficiles de la guerre. Aujourd’hui, il renaît sous une autre forme, portée par la prise de conscience que nous produisons et jetons de plus en plus de vêtements neufs. 

Europa Experience
28 place de la Madeleine – Paris 08
exposition « 28 visions de la mode durable » – du 1er au 31 octobre 2025

28 créations pour comprendre les savoir-faire et apprécier les styles

On vous encourage à aller voir ces 28 créations dans ce lieu dédié à l’Europe, qui me semble t’il, souffre encore d’un relatif anonymat. Ces modèles ont tous une vision approfondie de l’éco-conception, mais qui ne laisse pas de coté la désirabilité. Ici, le choix a été fait de manière un peu arbitraire, de parler de 2 pays reconnus pour leurs talents mode et 2 autres à découvrir.

France (N° 11)

Geralda Barros est une artiste et créatrice spécialisée dans l’upcycling, née en Angola. Elle a grandi dans un environnement où transformer et réutiliser les matériaux étaient à la fois une nécessité et une source de créativité. Elle est titulaire d’un master en mode durable de l’Institut supérieur des arts appliqués LISAA et elle a collaboré avec de grandes maisons de luxe ainsi que plusieurs institutions publiques. Son projet explore le lien puissant entre activisme et mode.
Pour le modèle présenté, la créatrice a mené une réflexion créative autour de l’identité et du symbole en détournant des drapeaux pour en faire un support textile porteur de message. Il en résulte une robe élégante confectionnée à partir de 60 drapeaux européens. La démonstration parfaite de l’alliance entre développement durable, savoir-faire, créativité et technicité. La robe est ornée de 60 drapeaux européens. Chaque drapeau a été plissé en suivant la technique de haute couture française du plissé de Madame Grès. Son travail explore l’aptitude des textiles à être non seulement des matériaux, mais aussi un support pour transmettre des messages, notamment à travers l’upcycling.

Italie ( N°15)

Marco Rambaldi a fondé sa marque éponyme en 2017. La marque se distingue par son engagement pour l’inclusion, l’upcycling et le gender bending (ne se conformer pas aux normes du genre). Elle propose un total look avec un accent sur le tricot et les vêtements d’extérieur, incluant robes, tops, chemises, jupes, pantalons, t-shirts, ainsi que des accessoires en cuir comme des sacs et chaussures. Le modèle présenté est une robe est entièrement réalisée à la main, à partir d’un assemblage de napperon vintage de pièces de maille crochetées à la main, ainsi que de quelques empiècements ornés de strass thermocollés Swarovski, représentant le symbole emblématique de la marque. La philosophie de la marque repose sur la durabilité et le zéro déchet. Les tissus et fils issus de la production sont recyclés à travers des processus artisanaux donnant naissance à des pièces uniques et de haute valeur.

Lithuanie (N°17)

Reda Paula est une marque de mode dynamique qui puisse son inspiration dans la nature, utilise des matériaux naturels et recyclés et respecte l’environnement, fondée en 2018 par la créatrice éponyme. La robe dévoilée, raconte l’histoire d’une table partagée, une nappe et les napperons qui évoque les traditions festives lituaniennes, les réunions chaleureuses et le rituel du « faire ensemble ». Le mandala tissé dans la composition devient un symbole culturel universel, un pont entre le local et le global, entre l’intimité de la vie domestique et l’ordre cosmique. La pièce est créée à partir de textile d’intérieur et de maison réemployés: une nappe crochetée à la main, deux napperons crochetés à la main et un mandala crocheté fixé dans un anneau métallique. Des textiles imprégnés de mémoire et de vie quotidienne sont transformés en un vêtement unique ou l’ordinaire prend une forme artistique.

La Lithuanie est un pays dont le potentiel créatif, ne fait pas forcèment partie des connaissances les plus répandues. Mais si on a tendance à recommander de suivre les personnalités créatives de ce pays, c’est qu’en dehors de celle présentée ici, on peut voir le travail Haute Couture de Aistilca , qui a un N° dédié des Fashion Notebooks (le N°5) , grâce à son travail qui réunit compétences en modèlisme et style.

Ukraine

KSenia et Antoine Schnaider ont le N° 28, dans la distribution de cette exposition, puisque l’Europe a eu le bon goût de les associer aux 27 pays qui composent l’Union Européenne. La marque est reconnue pour son approche innovante du design et son fort engagement en faveur de la durabilité, toujours à la pointe des tendances et défiant constamment le statu quo. Le Demi-Denim, jean emblématique de la marque a été repéré déjà en 2017 selon Lyst, sachant que de nombreux modèles ont séduit des célébrités comme Bella et Didi Hadid, Céline Dion et bien d’autres.
Le modèle présenté est une « Denim Fur Jacket » qui est réalisé à partir d’une base en denim recyclé et de chutes de denim effilochées imitant l’aspect d’une « fourrure en denim ». Inspirée par la volonté de ne pas jeter, même les plus petits morceaux de tissus et par amour des créateurs pour les animaux poilus, cette veste est confectionnée à partir de denim vintage retravaillé et de chutes effilochées. La fabrication de cette « Denim Fur Jacket » consiste à coudre les petites chutes et morceaux restants de denim sur des panneaux horizontaux fixés à une veste de base, puis à la laver pour que les chutes s’effilochent imitant ainsi un aspect de fourrure original.

L’Ukraine est un pays qui au delà de la situation que tout le monde connait, possède une forte capacité à défendre sa culture et ses traditions grâce à la mode. De nombreuses silhouettes sont imaginées par une scène fashion très active, volontaire et résiliente, comme l’a montré la dernière Fashion Week organisée à Kiev, malgré les menaces permanentes. Des marques créatives et écoresponsables comme Chereshnivska sont à suivre. Elle est présente avec d’autres, dans un numéro Fashion Notebooks qui leur est dédié (Le N°4) .

Europa Experience, une porte discrète vers l’Europe

Europa Expérience est un espace interactif et gratuit dédié à l’Europe en plein cœur de Paris. C’est un lieu innovant qui permet à ses visiteurs d’embarquer dans une aventure européenne, immersive ludique et pédagogique. Porté par les Institutions Européennes et situé 28 place de la Madeleine dans le 8e arrondissement, Europa Expérience Paris présente une exposition interactive permanente, libre d’accès et ouverte gratuitement au public tous les jours sauf le dimanche.
Ce lieu de 1500 m² sur 3 étages, embarque le public dans une expérience inédite via un parcours multimédia, des installations en réalité augmentée et un cinéma à 360 degrés. Les visiteurs voyagent à travers l’Union Européenne, découvre ses réussites et ses défis, partage le quotidien des autres citoyens européens ou plonge dans la fabrique de la politique européenne.

Tous les contenus sont disponibles dans les 24 langues officielles de l’Union européenne et accessible aux visiteurs à mobilité réduite. Ainsi qu’aux personnes malentendantes. Un dispositif pour les personnes aveugles ou malvoyantes est également proposé. 

Les enjeux des déchets (ressources !) textiles en Europe

Cette exposition est l’occasion de se repencher sur notre mode de consommation ( D’ailleurs une Semaine des Autres Modes est là aussi pour nous questionner) et de s’interroger devant les chiffres qui circulent.
En moyenne chaque européen génère 12 kg de déchets, de vêtements et de chaussures par an à l’échelle de l’Union. Cela représente 5,2 millions de tonnes sur un total annuel de 12,6 millions de tonnes de déchets textile. L’impact sur notre environnement est considérable: La fabrication d’un simple t-shirt en coton nécessite 2700 l d’eau douce, soit l’équivalent des besoins en eau potable d’une personne pendant 2 ans et demi. Et en parallèle, moins de 1 % des textiles sont recyclés dans le monde. 

C’est pour s’attaquer à ce problème que le Parlement européen a adopté en septembre 2025 de nouvelles règles anti-gaspillage qui viennent réviser une directive européenne de 2008 sur la gestion des déchets dans l’UE à l’initiative des parlementaires européens. Celle-ci intègre désormais un secteur qui n’y figurait pas auparavant, l’industrie textile. Selon le principe du pollueur-payeur. Les producteurs du secteur devront s’assurer de la collecte du tri et du recyclage des vêtements en fin de vie et à assumer le coût. Les plateformes en ligne et les entreprises de pays tiers qui vendent leurs produits dans l’Union européenne seront soumises aux mêmes obligations, tandis que les micro-entreprises bénéficieront d’une année supplémentaire. Pour se conformer au nouvelle règle, il reviendra aux états de mettre en place les nouveaux régimes de responsabilité des producteurs. La durée d’utilisation des produits sera prise en compte pour fixer le montant des compensations financières à verser par les entreprises. Une façon de cibler les pratiques de la fast fashion et de l’ultra fast fashion. Les pays de l’UE disposeront de 20 mois après l’entrée en vigueur de la nouvelle directive pour transposer les règles dans leurs législations nationales. 

Si la directive cadre sur les déchets est emblématique, d’autres lois européennes récentes ont une implication majeure dans la durabilité du secteur textile.

• Règlement sur l’éco-conception des produits durables.
• Directive sur les pratiques commerciales déloyales.
• Directive sur le devoir de vigilance des entreprises.

Vers une taxe sur les petits colis ?
En février 2025 la Commission européenne a proposé d’imposer des frais de 2 € sur chaque petit colis entrant en Europe afin de limiter l’afflux de produits achetés sur des plateformes e-commerce hors de l’UE? comme Temu ou Shein, dont on connait la faible qualité, voire la nocivité, des produits proposés.
En écho au débat européen, la France et elle aussi en train de se doter d’une nouvelle loi pour réduire l’impact environnemental de l’industrie textile adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale en mars 2024, puis en juin 2025 par le Sénat, la proposition de loi:

• Définit la mode ultra express,
• Prévoit des mesures de sensibilisation des consommateurs,
• Introduit des pénalités renforcées,
• Interdit toute publicité pour la mode ultra éphémère,
• Instaure une taxe sur les petits colis.

Voir sur ces sujets l’excellent média qu’est The Good Goods ou encore un article de Challenge (payant)

Europa Experience
28 place de la Madeleine – Paris 08
Exposition « 28 visions de la mode durable » – du 1er au 31 octobre 2025