Ce nom ne doit pas dire grand chose à celles ou ceux qui suivent la mode, sauf si ces personnes s’intéressent autant à l’aspect historique qu’à celui du style. Mais Marc Bohan était une personnalité importante de ce monde de l’élégance ne serait ce parce qu’il a passé 29 ans à la tête de la Maison Dior. Il vient de s’éteindre à 97 ans.
Marc Bohan, un personnage discret qui a porté le style Dior pendant 3 décennies
De tous les stylistes passés chez Dior, il reste le plus discret. Olivier Saillard et son Bouquin de la Mode nous raconte : En 1961, il présente sa première collection Haute Couture chez Dior et s’impose comme le couturier du droit chemin . Pas de vague, pas d’excés, une taille à sa place, des carrures menues, un air régulier de distinction. (commentaire présent dans l’ouvrage YSL de Laurence Benaïm).
Il avait la lourde tâche de succéder à Yves Saint Laurent et son chemin montre qu’il a réussi. Il a imaginé notamment cette toile oblique, toujours d’actualité, il a lancé la ligne pour enfant (Baby Dior) et celle pour homme, Christian Dior Monsieur (aujourd’hui Dior Homme) en 1970. Il a obtenu deux Dés d’Or de la haute couture (en 1983 et 1988).
En discutant récemment avec une personne travaillant pour Dior, le sujet s’est porté sur ce designer discret et elle m’indiquait que son héritage n’était pas abandonné par la maison de l’avenue Montaigne. C’est vrai que s’inspirer des archives, n’est jamais une mauvaise chose (voir les déclinaisons de la toile oblique) et qu’actuellement la tendance que l’on nomme le « quiet luxury » pourrait lui correspondre.
Olivier Saillard dans son Bouquin de la Mode nous raconte également que les maisons de couture les plus renommées du début du 20 ème siècle ont servi de tremplin à de nombreux couturiers qui s’établiront après guerre: Jacques Fath ( Philippe Guibourgé et Hubert de Givenchy), Dessés (Guy Laroche et valentino), Molyneux (Marc Bohan et Pierre Balmain), Robert Piguet (Christian Dior, Hubert de Givenchy, Marc Bohan, André Del Castillo).
Des discussions de fils de banquier
Libération, nous fait un résumé de la vie de Marc Bohan « Né le 22 août 1926, à Paris, le goût du vêtement lui est venu de sa mère modiste. Son père banquier l’aurait plutôt vu dans sa partie, il commence d’ailleurs des études de finances après le bac passé au lycée Lakanal de Sceaux (Hauts-de-Seine). Mais il bifurque vers sa passion et, après avoir suivi des cours de dessin de mode, il débute en 1946 chez Robert Piguet et poursuit sa formation chez le couturier britannique Edward Molyneux, installé à Paris, où il reste jusqu’en 1951. Il tente ensuite de créer sa propre affaire mais faute de financement, sa maison ne survit pas plus d’une saison. Jean Patou lui offre ensuite la responsabilité de ses collections haute couture. »
Il continuera donc chez Dior avec la réussite que l’on sait.
Il est entré chez Robert Piguet en 1946. Il a 20 ans. Ses dessins ont déjà une belle maturité. On remarque que la taille est affirmée. Il entrait dans une maison qui avait vu passer Christian Dior quelques années avant, qui lui, allait proposer son Tailleur Bar en 1947.
On imagine que les discussions avec Robert Piguet étaient centrées sur le style et l’élégance (on ne disait pas le look à l’époque), mais aussi, pourquoi pas, sur le monde de la finance auquel ils avaient voulu s’échapper, puisqu’ils avaient ce point commun d’être, tous les 2, fils de banquier.
Marc Bohan, présent dans l’histoire de la marque Dior à la Galerie Dior.
Si son image de discrétion et de travail rigoureux semble assez bien correspondre avec l’esprit Suisse protestant de la maison de couture Robert Piguet (un petit coté minimaliste, durable, sans doute à l’opposé de ce que d’autres tendances comme celles symbolisées par Béyoncé ou Pharrel williams évoquent ), on voit que chaque trajectoire reste très personnelle.
Quand on reprend les trajectoires de ces jeunes designers passés par cette maison de couture Robert Piguet, on constate que 2 d’entre eux ont donné naissance à une marque éponyme : Christian Dior et Hubert de Givenchy, alors de les 2 autres n’ont pu faire subsister leurs propres marques : Marc Bohan et André Del Castillo.
Ces derniers ont connu le succès comme designer d’une marque existante, mais qu’il fallait faire évoluer et projeter dans le futur. Ce fut le cas pour Marc Bohan chez Dior ( 29 ans à la tête du design, cela semble fou aujourd’hui et symbolise par opposition, l’accélération des tendances) et Lanvin pour André Del Castillo ( premier designer à imposer son nom à la maison de couture : l’expression utilisée dans les années 60 était : « Lanvin by Del Castillo ») .
Vous pouvez suivre les hommages (avec paywall) rendu à Mar Bohan sur le compte IG de Dior, Libération (déjà cité,) Le Monde, Le Figaro, l’INA , Le Point , Les Echos.
Dans l’idée qu’une maison de couture soit aussi un tremplin, comme montré un peu plus haut, une école de mode a lancé en 2023, un workshop auprès d’un groupe de ses étudiants en partant de l’histoire et des archives de la maison de couture Robert Piguet.
La maison a en effet été créée en 1933, Robert Piguet lui, est décédé en 1953. 90 ans après son ouverture (la fermeture a eu lieu en 1951) des étudiants ont réfléchit sur ce que pourraient être les nouvelles voies de la Haute Couture, vues par la nouvelle génération. Un debrief de ce travail sera proposé prochainement.