Les deux danseurs ont terminé leur performance sous les applaudissements d’un public qui était venu à la Recyclerie pour se détendre en ce dimanche après-midi de début juillet. Envolée, souplesse, coordination, à tour de rôle, ils ont montré leurs talents et leurs agilités entre mouvements de street dance et de hip hop.
Mais cette performance ne serait pas tout à fait réussie sans leurs tenues qui avaient été réalisées pour l’occasion. Ils n’étaient pas vêtu simplement d’un jean et d’un t-shirt, même si le lieu décontracté ou ils ont exercé aurait convenu à ce style. Les danseurs @heiseun_blue et @z_a_e_s avaient une tenue préparée pour l’occasion, conçue par une jeune designer, ND, qui partie prenante du label UAMEP imagine et réalise des prouesses avec des matériaux innovants qui peuvent déjà avoir eu une première vie.
Non, mais, regarde moi, ai je l’air d’une chambre à air ?
Ce fut au début de cet été caniculaire, lors d’un atelier destiné à montrer que la notion de recyclage est loin d’être opposée à celle de design, que s’est réalisée cette idée que l’on peut en associant imagination et esprit d’éco-conception concevoir des vêtements sans pour autant détruire un champs de coton et accessoirement un peu plus la planète. Certes pour la plupart d’entre nous, voir des chambres à air empilées, sorte de tas flasque de gros vers en caoutchouc, difficile d’imaginer quelque chose à part les ramasser et les mettre à la poubelle. Mais si vous laissez passer ceux-ci entre les mains de ND , qui fait de la mode une oeuvre d’art et réciproquement et des personnes qui étaient venues s’inscrire à l’atelier qu’elle animait, vous allez voir en surgir des vêtements qui, pour le profane, semblent issus d’un tour de magie et pour les connaisseurs simplement une preuve de la maîtrise d’un métier. L’imagination et les compétences métiers permettent aux vrais artistes de faire d’une matière improbable l’élément d’une rupture créative qui se pare d’une originalité totale.



L’atelier se déroulant durant le week-end, il a occupé à plein temps les participants qui tous étaient sensibles à vouloir comprendre comment le recyclage peut devenir une nouvelle solution pour mieux consommer. Il a fallu dans un premier temps désosser un vêtement pour en extraire le patron, se donner un modèle, puis découper ces boudins caoutchouteux, leurs donner des formes, les coudre ensemble pour en faire une laize. Ensuite il a fallu monter les tenues,couper cette matière, assembler les pièces et y ajouter les détails, bouton, attache. Le tout sans avoir peur de tenir dans ses mains cette matière étrange, à l’odeur légèrement fumée, plus souple que l’élasthanne, dense comme du nubuck et pas toujours si facile à manier. Mais ND et son équipe ont réussi à faire en 2 jours, 2 tenues de scène qui n’étaient pas de simples modèles d’exposition gentiment posés sur un stockman. Elles se sont retrouvées sur les épaules des 2 danseurs qui ont pu faire leurs performances avec toute l’énergie de leurs jeunesses sans qu’une couture ne craque ou qu’un des vêtements ne se dégonfle ;). Tout ce travail avec cette matière n’était pas destiné à faire un simple accessoire ou une ceinture. Il y eu un blouson et une longue tenue conçue dans une sorte de drapé d’écailles en chambre à air, qui tenait autant d’un stylisme pointu que d’une oeuvre d’art. D’ailleurs connaissez vous la robe allumette au nom de Burning Parade de ND ? Elle a été réalisée par ND/Noémie Devime, qui animait donc cet atelier, créatrice de prêt-à-porter femme haut de gamme et artisanal, consultante mode et tendances, que toutes marques ou musées peuvent interroger s’ils souhaitent proposer à leurs clientèles des vêtements ou objets à la confusion du monde de l’art et de la tendance.


Cet atelier c’est fait dans le cadre du SLOWLAB UAMEP qui est un laboratoire de réflexions, de recherches et d’expérimentations hybrides autour de la création, de la production et de la distribution alternatives. Ses différents travaux font l’objet d’éditions multi-formes et combinables. Le textile est ainsi pour le label une porte d’entrée mais pas une finalité. Si vous souhaitez suivre son activité, rejoignez sa page Facebook, sur laquelle vous découvrirez tous les événements organisés.
La REclyrerie lieu de détente d’échange et d’apprentissage
Le projet s’est donc déroulé à la REcyclerie (83 boulevard Ornano 75018 Paris) une gare ou il y beaucoup de monde même s’il n’y a pas de train. Non ce n’est pas de la Gare Montparnasse dont je parle ;). Implantée au sein d’une ancienne gare de la petite ceinture réhabilitée en lieu de vie, la REcyclerie a pour ambition de sensibiliser le public aux valeurs éco-responsables, de manière ludique et positive. Elle offre un décor de chine, et d’objets vintages ou tout le monde peut venir prendre son brunch ou participer à des ateliers centrés sur la philosophie Upcycling. Il y a des outils au mur à la disposition des adhérents, qui ont l’air d’avoir plusieurs vies. Ils ont eu une vie avant d’arriver là, ils en ont une seconde lorsqu’ils sont dans les mains des volontaires et d’autres car ils sont si bien dessinés sur leurs panneaux de rangement qu’on a l’impression qu’il y en a toujours un à disposition prêt à être utilisé.

Aujourd’hui la prise de conscience est forte, afin de trouver de nouvelles voies pour consommer les produits textiles de manière plus éco-citoyenne. Le label UAMEP est présent sur ce terrain (avec aussi Les Récupérables et bien d’autres) comme les volontaires de SlowWeAre, mais cette réflexion ne date pas d’aujourd’hui. Martin Margiela, que l’on peut encore voir dans la belle exposition Margiela/Hermès au MadParis jusqu’au 2 septembre, avait au 20 ème siècle fait défiler ses collections en réutilisant des sacs plastiques de la grande distribution.
Rétroliens/Pings