La transparence, un sujet à la mode en ce moment, mais dont l’objet au Musée Yves Saint Laurent Paris est bien d’évoquer cette notion au niveau de la matière et des effets induits de la dentelle ou de la mousseline. Le sujet de « Transparences, le pouvoir des matières », est le deuxième chapitre d’un récit entamé l’été dernier à la Cité de la dentelle et de la mode de Calais.

Mousseline, dentelle, ou tulle, matières pour un jeu subtil d’évocation et de transparence

« Les transparences, je les connais depuis longtemps. L’important, avec elles, c’est de garder le mystère… Je pense avoir fait le maximum pour l’émancipation des femmes. J’ai créé des vêtements qui entrent tout à fait à leur aise dans le XXIe siècle ».
La transparence, lorsqu’elle est portée, est rarement intégrale : elle est, en théorie, incompatible avec la fonction même du vêtement, censé revêtir le corps, le dissimuler ou le protéger. Yves Saint Laurent s’est emparé de ces matières dès les années 60, pour réconcilier les antagonismes et permettre aux femmes d’affirmer leur corps avec puissance, non sans fierté et insolence.
S’appuyant sur le pouvoir des matières, cette exposition entend explorer le regard d’Yves Saint Laurent au plus près de ses liens au corps et à la nudité revisitée. Parmi la quarantaine de pièces textiles présentées se retrouvent des créations iconiques de l’histoire de la révélation du corps féminin chez Yves Saint Laurent, telle que la première blouse seins nus du printemps–été 1968 ou la Nude Dress de la collection suivante, ainsi que des pièces plus inédites, pour certaines issues des collections SAINT LAURENT rive gauche.

Musée Yves Saint Laurent Paris
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Musée Yves Saint Laurent Paris
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Yves Saint Laurent afficha son audace pour la transparence en posant nu en 1971

Il faut rappeler comme l’indique le dossier de presse du musée qu’Yves Saint Laurent n’hésita pas à se dévêtir lui-même pour une campagne publicitaire en 1971.


L’exposition ( présentée jusqu’au 25/08/2024) montre plusieurs tissus de prédilection du couturier, comme étant autant d’instruments du dévoilement de la puissance et de la beauté des femmes. L’organza est caractérisé par sa texture fine et son aspect rigidifié légèrement brillant. La Cigaline® est une étoffe très fine, à l’aspect crêpé assez raide, voire crissant, en référence aux ailes de cigale. La dentelle, bien sûr, appréciée pour ses effets ajourés et la délicatesse de ses dessins, mêle érotisme et élégance dans la collection automne-hiver 1970. Le tulle est un tissu plus ou moins souple, à la maille apparente qui peut former de véritables volumes lorsqu’il est utilisé en épaisseurs cumulées. La mousseline, enfin, fascine Yves Saint Laurent pour sa finesse et son tombé vaporeux. Ces étoffes créent chacune des effets de transparence spécifiques et participent de l’expression du génie créatif d’Yves Saint Laurent. Les fournisseurs de ces tissus particuliers sont cités sur les cartels d’informations, mais néanmoins ces détenteurs de véritables savoir-faire, ne sont peut être pas mis assez en avant, comme souvent depuis la seconde partie de 20 ème siècle.

La transparence vue par YSL
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Musée Yves Saint Laurent Paris
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Musée Yves Saint Laurent Paris

Une transparence qui joue entre fluidité et évocation

La fluidité, celle entre les matières et entre les genres, qualifie parfaitement le style de Saint Laurent. Parce qu’il sut affirmer la puissance rebelle d’une féminité en pantalon, autant qu’il a, mieux que tout autre, traduit l’aisance du mouvement à l’aide d’étoffes souples et vaporeuses. Le flou a chez Saint Laurent une tonalité positive. Loin d’être vague, ou hésitant, son art est évocateur et poétique. Dans les ateliers de couture dits « flous », en opposition à ceux dits des « tailleurs », les matières de la transparence, telle que la mousseline ou le tulle, donnent toute liberté au corps, lui permettant de se mouvoir et de s’exprimer sans contrainte.

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Musée Yves Saint Laurent Paris
La transparence vue par YSL

On aime à traverser le bureau du maitre, là ou tout commence, ou le crayon commence son chemin sur la page blanche, avant de partir dans les étages vers les différents ateliers. Le couturier pense le vêtement comme une architecture appliquée, bâtie autour des formes de la femme. Il est d’abord dessiné sur papier, avant d’être reproduit en volume par des toiles. Les patrons dessinés sur papier-calque, figurent, pour chaque modèle, les différentes parties déconstruites, vues de face et de dos. Les rouleaux de papier sont alors parsemés d’annotations techniques, utiles à leur assemblage en couture.
Il ne faut oublier qu’en effet si l’ébauche se fait dans cet espace aéré, éclairé par les larges fenêtres donnant sur un jardin extérieur, les ateliers ne bénéficient pas tous de surfaces aussi importantes et les premières d’atelier doivent quelquefois faire des miracles avec les mêtres de tulles ou de mousseline à assembler, comme le révèle Colette Maciet (qui a travaillé chez YSL ) dans son livre Haute Couture. On peut s’en apercevoir lors de la visite de ce batiment, superbe vu de l’extérieur, mais qui souffre à certains endroits du parcours d’une exiguité qui entrave la visite, un peu comme un corset trop serré.

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Design, art, culture et business….

Les créations du couturier, dont les vidéos de ses différentes collections montrent qu’il savait parfaitement capter l’air du temps et enrichir ses réflexions auprès du monde artistique, sont complétées lors de cette exposition par plusieurs oeuvres modernes et contemporaines – des dessins d’Anne Bourse, des photographies de Man Ray, un film des frères Lumière figurant une chorégraphie de Loïe Fuller et une peinture de Francis Picabia.
L’exposition, articulée en 5 sections, rend visible la poésie artistique et sensible d’Yves Saint Laurent : sa rébellion créative contre les interdits mouvants de la société reste plus que jamais inspirante aujourd’hui. Elle poursuit la riche découverte de cette recherche de matière et de couleurs que nous avaient déjà présenté les expositions Gold et celle consacrée aux robes Mondrian.
L’exposition a été mise en place avec la collaboration d’Anne Dressen, commissaire d’exposition au département contemporain du Musée d’Art moderne de Paris aidée dans l’agencement par Pauline Marchetti, architecte et professeure à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs