C’était donc à la Gaité Lyrique que le Tranoï a décidé de monter sa scène pour mettre en avant la création masculine pour cette nouvelle Paris Fashion Week Homme, tout en accueillant de nombreuses marques qui présentaient leurs collections féminines. Ce voyage au coeur de ce salon qui rassemble des acteurs pointus de la mode, permet de découvrir des marques issues du continent asiatique, comme le Japon et la Corée du Sud, mais cette année, en fonction des contacts, du hasard et de l’envie de découvrir des produits conçu avec des matières nobles et une confection issue de territoires proches, ce sont des marques françaises qui ont été le point d’intérêt de ma visite.
Si l’idée du Club de jazz est l’idée forte de la présentation de la créatrice Naomi Günther, on peut en extraire l’idée du swing, avec en terme de sonorité musicale, le doux tempo des baguettes brosses sur les cymbales pour une mélodie créative proposée par la Maison Douillet, le son plus marqué de la batterie pour la collection de GUNTHER, auquel venait s’ajouter une sonorité jazzy électro avec les modèles de chaussures d’UMUS.
Maison Douillet
Maison Douillet est une marque française contemporaine fondée en 2021 dans le but de ré-interpréter le vestiaire classique masculin et féminin. Son fondateur à un parcours d’ingénieur et à grandi du coté de Grenoble. Cette proximité avec la montagne l’a sensibilisé à son territoire, berceau de son héritage culturel, proche d’un milieu rural et lui a donné envie de porter attention aux matières premières ancestrales, aux spécificités régionales.
La marque ne traite que des matières naturelles, laine ou coton, en veillant à travailler avec des fournisseurs de qualité en Europe, en Turquie et bien sûr en France.
La maille est le premier terrain de jeu créatif de la marque. Si la marque a développé en premier lieu, bonnet , mitaine et écharpe, elle a commencé à développer une gamme de prêt à porter, dont l’apparente simplicité ne doit pas masquer le travail sur l’épaisseur, la rugosité, la texture mais aussi la technique. Ainsi un des gilets se trouve doté d’une laine bouillie en provenance d’Autriche, quand d’autres modèles de pull en coton sont confectionnés dans un fil produit en Italie. Car le savoir-faire est une valeur à partager quelque soit son pays.
Au delà du fil et du tissage, Maison Douillet gère la confection de ses pièces en maille avec des entreprises spécialisées dans la maille haut de gamme – localisées dans le bassin historique de la bonneterie française (Loire, Haute Loire). Les pulls sont spécifiquement conçus dans un atelier français spécialisé dans le tricotage integral (Limousin). On trouve dans la liste de leurs fournisseurs, VirgoCoop.
Petite mention à cette société coopérative rencontrée récemment au Fashion Green Days , qui était au salon du Made In France. Elle propose à des marques et des particuliers de devenir sociétaire pour promouvoir une filière laine écoresponsable en France et avec Maison Douillet, on trouve l’exemple parfait d’une filière de production vertueuse qui retrouve des couleurs en France.
Gunther
GUNTHER est une marque parisienne de vêtements contemporains de luxe, qui propose des pièces inspirées du streetwear et des classiques réinventés. La garde-robe proposée par la designer Naomi Günther allie la contemporanéité de la culture urbaine à l’inspiration sartoriale classique.
La marque met en valeur le Made in France, car ses pièces sont fabriquées dans ses ateliers parisiens. Si elle fut largement inspirée par New York, comme elle l’expliquais l’année dernière, le thème du club de jazz présenté pour 2024, n’en est pas très éloigné. Elle cherche aussi à construire un écosystème créatif au-delà du vêtement afin de partager de nouvelles expériences, d’explorer de nouveaux territoires d’expression et de soutenir la création sous toutes ses formes.
La collection A-H 2024 GUNTHER puise donc son inspiration dans l’effervescente époque du jazz et l’atmosphère envoûtante des speakeasies des années 20. C’est le décor qui avait trouvé place à un des étages de la Gaité Lyrique, d’ou la présence d’affiches, d’instruments appartenant à un quartette de musiciens et d’une lumière tamisée qui nous plongeait dans une ambiance ombragée et intime.
Dans cette nouvelle collection, on remarque les chemises à la structure composée, les costumes aux jeux de couleurs audacieux et dont le système de fermeture se révèle furieusement moderne. Pas d’effet de style genre grosse caisse, mais un swing subtil de coupe, de matières, de motifs, avec une prédominance de tons marrons, option café ou un peu plus cacao, qui donne un parfait cocktail de cette vision de l’élégance masculine contemporaine…… et s’illustre parfaitement en motif sur la chemise.
UMUS
UMUS est un projet de collection de chaussures naturelles, conçues avec des matières végétales sans matière animale et avec un objectif de zéro plastique.
C’est l’année dernière que ce modèle ambicieux s’était présenté à nous, avec une première version de chaussure montante.
La conceptrice de ce projet, Clotilde Gaumy, n’était pas originaire du monde de la chaussure, mais après une solide formation à cette spécialité, elle a planché sur ce projet technique, avec un oeil neuf et comme souvent avec ces personnes non formatées par des habitudes professionnelles, des idées fortes et innovatrices.
Entre chaussant et tige, beaucoup aurait perdu pied, mais Chlotilde a choisi sans trembler de concevoir des modèles dès le départ avec une volonté forte d’écoconception.
Les matières viennent d’Italie, la fabrication à lieu au Portugal (un peu l’atelier de la France) et les matières et composants de ces chaussures sont nobles, naturels et végétaux uniquement. La marque banni les matières issues du pétrole et les matières animales. Ces nouveaux modèles comportent de nombreuses astuces, comme l’absence de rivets pour faire passer les lacets ce qui a amené à penser le design différement, mais également un système de fermeture de la bottine avec un petit bout de bois élégant qui s’inscrit parfaitement dans cette démarche d’éco-responsabilité.
Le nom lui même exprime parfaitement le sens de la démarche de la marque. UMUS est directement inspiré du mot latin humus, qui veut dire le sol, la terre. Parce que l’ambition ultime de la marque est de proposer des produits complètement naturels et purs que l’on pourra rendre à la Terre quand ils auront fini de nous rendre service.
Après un premier modèle qui était un premier pas audacieux, voici désormais la collection !
Après le modèle montant qui a été une ébauche parfaite, certaines personnes se seraient contentées de proposer un nouveau modèle. Non, pour 2024, la fondatrice a travaillé sur 3 nouveaux modèles et leurs déclinaisons pour s’adapter à toutes les envies et les usages.
Les trois modèles de cette collection privilégient les matières végétales et naturelles *. Les pièces UMUS ne contiennent aucune matière d’origine animale. La conception a supprimé éliminé les pièces métalliques sur les chaussures pour faciliter le recyclage. La marque collabore avec un fabricant espagnol dont le savoir-faire est reconnu par des marques créatives et de grandes maisons. Il détient un savoir-faire spécifique dans le semelage. Les modèles sont disponibles dans toutes les pointures, du 36 au 46.
Ici le swing Jazzy devient plus electro, le piano s’éloigne , la guitare électrique accompagnée du synthétiseur prend le devant de la scène, la créatrice est fan d’électro et cette nouvelle collection est un peu l’Autotune de la sneakers, le style en plus.
La collection sera très prochainement disponible par l’intermédiaire d’une campagne de précommandes, qui aura lieu dans les semaines à venir.
Le nouveau modèle qui s’apparente le plus à la sneaker possède une structure de la tige composée d’une double coque, en coton renforcé et est doté d’une semelle interne en lin. Il n’y a que des matières nobles pour une collection qui dévoile une ligne moderne et contemporaine, qui va loin dans la réflexion de comment faire évoluer la chaussure, un produit très technique, mais cela ne fait pas peur à la designer qui aime se confronter à des défis qui peuvent sembler téméraires à d’autres, même s’il faut faire des concessions lors de certaines étapes.
Le Tranoï, un positionnement créateur complété par une offre contemporaine
Ce salon présentait sa session consacrée aux collections masculines, mais intégrait une sélection de marques féminines présentant leur Pre Fall. D’ailleurs cette distinction doit elle perdurer ? On voit l’unisexe prendre de l’ampleur et les jeunes marques n’ont pas forcément les moyens de faire plusieurs sessions par an.
Le Tranoï rassemblait 40 designers et marques créatives, dont une dizaine de français et accueillait une sélection de produits lifestyle. Il est destiné à la jeune génération qui se pose de nombreuses questions, bouscule le vestiaire masculin, qui se dégenre au fur et à mesure des saisons et présente un panel de marques qui intègrent des mono matières, un nouveau travail du cuir et ses alternatives, des matières issues de l’agriculture biodynamique ou 100% recyclées, des techniques sans couture … bref, des innovations qui trouvent tout à fait leurs places à la Gaité Lyrique, qui se transformera en laboratoire du vivre-ensemble européen en février 2024, pour nous donner envie de découvrir de nouvelles perspectives.