En ce début d’année il est de bon ton de prendre des résolutions pour faire de cette nouvelle année suive un chemin, meilleur que celui qu’a emprunté celle qui vient de nous quitter. C’est aussi le moment de rattraper le retard pris dans ces derniers mois de 2023 et de mettre en ligne des sujets importants qui évoquent les enjeux économiques auxquels la mode est confrontée.
D’ou ce petit focus sur les FGDays de Nantes, organisés par le Fashion Green Hub, qui se déroulaient les 16 et 17 novembre 2023, c’est à dire un siècle à l’aune des réseaux sociaux, mais seulement hier, à la mesure du temps long dont on a besoin pour réfléchir.
Sur les bords de l’Erdre, professionnels, entreprises, et experts se sont retrouvés durant deux jours pour faire le point sur les dernières solutions utiles à une industrie de la mode et du textile qui continue à travailler pour réduire fortement ses impacts et se mobilise pour proposer une création plus durable et circulaire.
Si Nantes est la première étape dans l’Ouest de la France, c’est depuis 2015, que le Fashion Green Hub propose des solutions collectives pour une mode plus durable, éthique, locale et innovante, créatrice d’emplois sur les territoires et en phase avec l’objectif de décarbonation de l’Union Européenne. Au sein de cette association, on dénombre désormais 540 membres à date, (180 l’on rejoint l’année dernière) qui partagent, se forment et agissent en réseau, pour des solutions concrètes et duplicables.
Après la session de Lyon, ou je suis allé ressentir l’air de l’innovation textile entre Rhône et Saone, c’est sous le souffle du grand large que j’ai fait un saut à Nantes pour suivre 2 conférences dans cet éco-système positif qui fait souvent preuve d’un équilibre savant en associant grandes entreprises et startups innovatrices.
La démarche globale des conférences et des interventions sur ces 2 jours, abordait des questions de fond sur l’upcycling mais aussi des réflexions sur l’équilibre à garder entre volume et valeur ? Sur comment peut-on passer de l’égo système à l’éco-système ? et comment réfléchir différemment et se pencher plus précisément sur l’expérience client ?
Conférence Fashion Green Hub – Nantes nov 2023 – CRÉER AUTREMENT / Les nouveaux modèles de création
Avec :
- IKKS – Elizabeth Perret Sénécaille & Mylène L’Orguilloux
- ROYAL MER – Hervé Coulombel
- FAGUO – Romain Teissedre
- FASHION GREEN HUB – Annick Jehanne
- ATELIER BOCAGE – Inès Deschamps
Dans la Halle Frida Kahlo, espace récent sur les bords de l’Erdre, les conférences s’enchainaient sur une petite scène au décor moderne et sous une lueur verte, un peu boite de nuit.
La conférence intitulée « Créer Autrement » réunissait des entreprises textiles d’expériences qui doivent à la fois faire tourner leurs boutiques, mais aussi changer leurs processus internes. Il s’agissait de comprendre qu’elles démarches ces acteurs avaient entrepris pour mobiliser chez eux, cette volonté de création, tant au niveau du produit que du management et de l’approche business.
Du produit à son usage, comment penser différemment ?
La démarche à initier implique dans certains cas, une vraie remise en cause lorsque l’on pense conception produit. Si l’éco-conception doit devenir une étape cruciale dans la réflexion produit, ce dernier ne doit pas être appauvrit par les démarches de durabilité et d’écoresponsabilité. Les questions qui ont lancé et animé le débat étaient, « Comment nourrir la création ? Quels sont les nouveaux outils à intégrer ? Est ce que l’on trouve des choses nouvelles en terme de matière? «
Ci-dessous l’essence des réponses des intervenants :
- Royal Mer est une entreprise de la région installée entre Nantes et Cholet, qui existe depuis 1946. Elle a été reprise par son dirigeant actuel, Hervé Coulombel, présent sur la scène des FG Days et qui l’a relancée il y a 7 ans. La démarche a été recentrée sur son point fort, la maille, matérialisé par le pull marin en laine, en faisant le choix de supprimer 40% des produits de son catalogue.
- L’ambition de l’entreprise est d’être les meilleurs dans la maille, d’être remarqué et remarquable. La créativité à été développée de 2 manières. D’une part la marque a fait appel à des stylistes freelances pour amener du sang neuf, mais a également travaillé en profondeur en partant des archives de la marque. Le monde de la mode possèdant une capacité à faire vivre la notion d’éternel recommencement, les ressources historiques des maisons et des marques restent ainsi une source inépuisable d’inspiration pour remettre des modèles emblématiques au goût du jour ou concevoir des collections capsules.
- Les pulls Royal Mer sont conçus en laine vierge et de ce fait l’entreprise veut les garantir à vie. Grâce à sa conception en 100% laine, c’est une maille qui tient si chaud que vous pouvez baisser votre chauffage de 4 degrès, ce qui vous amène à faire des économies d’énergie. C’est le petit « tips » du dirigeant de l’entreprise ;).
- Coté matière, la confection est réalisée avec des partenaires locaux, qui travaillent notamment avec de nouveaux outils 3D, afin de limiter les chutes de matières premières. Suivant les modèles, s’il y a des chutes de laine, celles-ci sont collectées et transmises à la Filature du Parc (à Castres, qui travaille avec Later par exemple) qui en refait du fil avec. L’entreprise utilise aussi des logiciels de placement produit pour économiser la matière.
- C’est une entreprise Nantaise qui considère la créativité comme une partie d’un tout. Chez Faguo, le postulat est que l’on ne crée pas que dans un bureau, isolé avec son logiciel de création. Il s’agit de prendre du recul, de comprendre pourquoi et comment 210 000 tonnes de vêtements sont jetées chaque année.
- La créativité commence déjà par une conception produit enrichie par des informations concernant l’impact carbone de toutes les matières envisagées et même en analysant le mix énergétique de chaque pays ou se trouve les fournisseurs potentiels de la marque. Cela peut donc impliquer des bouleversements de la chaine de valeurs notamment au niveau de ces fournisseurs. Il faut initier des démarches avec des partenaires, s’inspirer des bonnes pratiques et mesurer chaque impact. Faguo tient ainsi une BDD des impacts carbone, par matière et par pays à dispo de sa création.
- La créativité de la marque se définit également par rapport à sa mission de marque qui est d’habiller un homme urbain qui aime la nature et doit pouvoir en profiter sans avoir besoin de changer de tenue. L’idée est donc de travailler sur les usages d’un produit qui peuvent être multiples, plutôt que d’imaginer produire 3 vêtements différents.
- De même la réparabilité s’inscrit désormais dans le processus créatif, même si il y a encore beaucoup à faire.
- Coté matière nouvelle, la volonté de l’entreprise est de choisir la matière qui existe déjà. C’est le combat de ces dernières années chez Faguo. 80% des produits de leurs gammes sont composés totalement ou partiellement de matières recyclées.
- Mais il s’agit aussi de sourcer de nouvelles matières, pour éveiller le grand public, comme celles issues des moules, des huitres, des balles de tennis, et même d’un processus à venir qui consiste en une captation de Co2 industriel qui peut être retransformé en matière.
- Toujours dans cette idée d’utiliser des matières existantes, Faguo a décidé de se lancer dans la seconde main. Celle-ci représente aujourd’hui 2 % du chiffre d’affaires et l’entreprise cherche à faire pivoter son business model, sans affaiblir son fonctionnement actuel.
- L’Atelier Bocage, filiale du groupe Eram a mis en place une offre de service avec un système de location qui compte aujourd’hui 3000 abonnés. Au sein du groupe, les projets sont issus d’un programme Change for Good qui impacte toutes les filiales du groupe. L’entreprise avance dans sa volonté de lancer des projets d’économie circulaire et veut créer des communautés autour des nouveaux usages identifiés.
- Cette démarche a déjà donné des résultats concrêts comme Atelier Bocage (dont les premiers abonnés sont une source riche de connaissance et vont permettre de co-construire les services du futur) et Claquette Market.
- La créativité est inspirée par le prisme de la circularité qui la nourrit régulièrement, notamment grâce aux remontées terrain, issues du maillage national des boutiques qui font des retours sur ce qu’attendent les clients. Cette écoute client est très développée, grâce à des outils en direct, des one to one, des tables rondes, tant avec des clients qu’avec des prospects.
- Le groupe Eram peut s’appuyer sur une manufacture de chaussure qui existe en son sein depuis longtemps. Dédiée à la fabrication des chaussures au sein du groupe, ses compétences et son personnel sont maintenant utilisés non seulement pour fabriquer, mais aussi pour réparer et hygiéniser les modèles loués. Cette manufacture se réinvente en fonction des nouveaux services, comme la location et la réparation, ce qui a permis d’ailleurs à la marque de déposer de nouveaux brevets.
- C’est un bel exemple qui montre qu’avant de faire appel à des solutions externes, on peut exploiter les capacités internes de l’entreprise.
- IKKS a développé tout un principe d’éco-conception de façon à créer des produits en diminuant l’impact environnemental de chaque produit et notamment de réduire drastiquement les chutes de production. Cela a nécessiter de travailler et d’étudier les marges de manœuvre que l’on a avec les stylistes.
- L’entreprise a décidé de travailler avec des consultants externes qui ont notamment initié un workshop autour de l’éco-conception en association avec le lycée de la mode de Cholet autour de la démarche du « minimal/zero waste design », piloté par Mylène l’Orguilloux, car si réutiliser les chutes c’est déjà bien, ne pas en faire, c’est encore mieux.
- L’idée est de ramener le sujet du gaspillage au centre de la conversation, modifier les patrons pour in fine moins consommer de matière et se servir de la contrainte comme un outil de créativité tout en laissant aux stylistes une marge de manoeuvre.
- C’est autour de la marque Icode appartenant au groupe IKKS, que 4 produits ont été imaginés, 2 conçus par les stylistes de Icode et 2 par les élèves du lycée de la mode de Cholet. Le workshop a réuni toutes les personnes impliquées, styliste, modéliste, responsable de collection, pour que tout le monde s’imprégne de la notion d’ éco-conception. Le résultat est à découvrir en 2024.
- L’entreprise travaille avec des logiciel 3D, car cela permet d’éviter d’utiliser de la matière pour tous les prototypes. Cela se fait notamment grâce aux connaissances de Mylène l’Orguilloux qui est une consultante qui a travaillé plusieurs années chez Lectra et utilise la 3D depuis 8 ans et notamment le logiciel Clo 3D. Celui-ci permet de faire de nombreuses itérations entre la partie stylisme et la partie placement, génératrice d’économie de matière. Mais comme elle le souligne, comme d’autres intervenants par ailleurs, il ne faut pas oublier le papier, le scotch et les ciseaux, car découper du papier est aussi une manière de mettre autour de la table de nombreux profils différents et de développer leurs collaborations. Cela participe activement à donner un élan créatif à toute une équipe.
- Il est à souligner que les patronages issus de ce workshop sont mis en open source de façon à continuer dans cet esprit collaboratif.
Du BSP à la valorisation des ressources internes
Le sujet du Made in France a été bien sûr évoqué. Coté relocalisation, il y a encore du chemin à faire, car comme le précise Royal Mer, seulement 3% des vêtements qui sont vendu dans l’hexagone sont Made in France. Mais il faut prendre en compte le porte-monnaie du consommateur et du désir, au prix indiqué sur l’étiquette, il reste encore un gap qui n’est pas encore favorable à une production 100% locale.
Il y a des démarches qui doivent permettre d’avancer dans cette direction, comme une meilleure connaissance des usages des consommateurs, encore par certains aspects assez minimale et continuer de travailler sur des approches plus coopérative, qui peuvent intégrer du lowtech, de la simplicité, comme le montre l’exemple de la démarche papier/scotch/ciseaux et qui est aussi exprimée par Royal Mer avec son principe du BSP, ( le Bon Sens Paysan !).
On a entendu également que le polyester recyclé proposé dans l’écosystème de la mode vient majoritairement des bouteilles recyclées et pas du tissu.
Conférence Fashion Green Hub – Nantes nov 2023 – RE-VALORISER / 2nde main, upcycling
avec:
- SECOND SEW – Camille Brun- Jeckel
- LA VIRGULE– Maxime Labat
- IKKS / SMALA – Elizabeth Perret Sénécaille & Caroline Laycock
- LOSANJE – Simon Peyronnaud
- AUCHAN – Élise Ceccomarini
- DELOITTE FRANCE – Ywan Penvern
La conférence était centrée sur le sujet de la revalorisation avec comme intervenants,La Virgule, Second Sew, Losanje Auchan Retail et à nouveau IKKS. Elle était animée par Ywan Penvern, consultant chez Deloitte France. Le constat est à chaque fois implacable, 800 000 tonnes de vêtements, de chaussures et de lingerie sont vendues en France chaque année et il faut absolument chercher à prolonger leurs durées de vie. Par ailleurs, l’empreinte carbone est à 70% liée à la production des vêtements, donc freiner la production ou trouver des solutions de production à partir de matières existantes est un moyen d’agir valable, sachant qu’en terme de gisements (un mot largement employés lors de ces conférences) on estime qu’entre 20 % à 30% des chutes sont non utilisées.
Tous ces constats auxquels s’ajoute désormais la loi AGEC, qui est une nouvelle contrainte, doivent donner lieu à faire émerger une nouvelle créativité, à emmener les entreprises à se réinventer, à des startups d’imaginer de nouvelles solutions ou de nouveaux produits, pour lesquels, il faut trouver des débouchés et également le bon business model rentable.
- Cette jeune entreprise a été fondée par des sportifs de haut niveau et notamment par Maxime Labat, qui au cours de ses compétitions à compris que les équipements de sport ne sont pas éco-conçus en amont en général et qu’il n’existe pas de solution de fin de vie pour eux. Son expérience personnelle en Equipe de France de planche à voile en catégorie jeune l’a amené à naviguer aux 4 coins du monde en préparation des JO. Il a pu faire ce constat d’une pollution de la nature par ce type de matériel, qui certes sont réalisés avec des matières techniques incroyables, mais qui à peine déchiré se retrouve dans une poubelle, une déchetterie, voire donc dans la nature.
- La Virgule veut donc donner une seconde vie à toutes ces matières techniques. La marque a aujourd’hui lancé une gamme de sac à dos et de sacoche de vélo upcyclée. Les sacs sont fait à partir de la matière des zodiaques appartenant à des centres de secours ou de surf, les bretelles sont des ceintures de sécurité de voiture, le système de fermeture des sacs sont fait grâce à des cordes d’escalade et ce sont des ailes de kite surf qui sont utilisées pour faire les poches. Tout est produit en Europe, 100% upcyclé et se veut un produit de qualité durable.
- Le défi principal que veut relever la marque est celui de produire un produit de qualité, écologique et même si le concept de croissance à une certaine mauvaise presse, continuer à se développer grâce à une levée de fonds. Elle veut suivre une courbe d’un croissance plus vertueuse, en n’utilisant donc que de la matière déjà produite et est à l’écoute de nouveaux distributeurs.
- Le stylisme reste également un gros enjeu pour leur part, face à cette contrainte de matière existante.
Second Sew
- La fondatrice de Second Sew a expliqué comment quand on a un parcours familial dans la mode, on est amené à faire le constat que la production a vu sa qualité diminuer au fil du temps et des délocalisations. Cela a donné l’opportunité à la seconde main d’émerger et l’entreprise s’est créée sur le projet de vêtements pour enfants conçus à partir de tissus de linge de maison. Elle travaille avec des ateliers d’insertion du Pays de Loire et des Hauts de France, pour associer le social avec cet objectif de moindre impact environnemental.
- Cette démarche offensive s’est vue récompensée par le fait que Second Sew qui ne s’adressait qu’à des particuliers, s’est vue contactée par des entreprises qui avait des stocks de vêtements ou de tissus en fin de vie. Elle a développé depuis une offre en B2B qui transforme des textiles en fin de vie en accessoires utiles à l’entreprise et non pas en faisant de simples goodies supplémentaires.
- Second Sew accompagne les entreprises dans le calcul d’impact, le choix des ateliers, et le process de suivi. Un des exemples marquant de cette conférence est le travail fait avec la Régie des Transports de Nantes pour laquelle l’entreprise a transformé les vieux polos des chauffeurs de bus, en housse de siège pour les aider à lutter contre les effets néfastes de la canicule.
- Second Sew souhaite continuer à évoluer en consolidant son réseau d’ateliers de confection, car il s’agit maintenant avec la partie B2b de faire face à des enjeux comme revaloriser entre 8 et 10 tonnes de gisement en une seule fois, alors que l’entreprise l’envisageait sur une durée d’un an, quand le canal n’était que B2C. Il s’agit aussi de trouver des canaux de distribution adapté car les grands réseaux ou le wholesale ne sont trop pas intéressés par une gamme constituée uniquement de pièces uniques.
- Le propos de Losanje est de modifier la perception que l’on a de l’upcycling en permettant de « scaler » comme ont dit dans le monde des startups, ou encore de passer à l’échelle de l’industrialisation. Losanje a donc conçu un système de découpe automatisée de produits finis afin de ne plus considérer la découpe du vêtement pour passer à l’upcycling comme une contrainte. Le prix de la découpe représente encore aujourd’hui environ 50 à 60% du prix final d’un produit upcyclé alors que le coût d’une production classique est souvent inférieur à 10% du prix du même produit.
- La revalorisation de la matière permet ainsi de réduire l’émission de Co2 de 70 à 80% . C’est une démarche écologique, qui est désormais stratégique ( loi AGEC oblige), sachant qu’il y aura prochainement une réglementation liée au scoring environnemental. La phase de découpe est encore un vrai blocage qui ne peut être contournée qu’en revalorisant des quantités importantes.
- Le défi de l’entreprise a été de créer cet outil pilote pour automatiser le travail de découpe et elle a levé dans ce but 3 millions d’euros pour développer cette solution. Elle rassemble plus de 20 personnes actuellement pour continuer à développer l’idée de créer un circuit fluide de seconde main au sein d’un groupe ou d’une marque et ainsi augmenter les volumes traités.
- Il y a de forts enjeux dans la formation, le stylisme, mais plus encore sur le modélisme, car concernant ce métier, c’est aussi notamment sur le vêtement, une histoire de géométrie, pour optimiser le découpage des empiécements afin d’utiliser le maximum de la pièce à recycler. Parmi ces enjeux, il y a également l’hétérogéneïté des gisements. Ceux-ci ne sont pas homogènes, car si partir en upcycling avec des stocks de sweat ou de jean semble aisé, pour le reste, cela est un sacré défi.
- Le travail de Losanje inclu aussi une partie bureau d’étude qui permet de proposer des solutions en partant des stocks de la marque ou grâce à un sourcing issu des 20 centres de tri affiliés en Europe par l’entreprise.
Lors de cette conférence, le coté intrapreneur était représenté par :
- C’est le chef de projet Economie Circulaire qui était présente à Nantes. Le travail de l’enseigne porte sur l’offre textile et notamment la marque In Extenso. Le distributeur a mis en place un corner de seconde main dès 2019, car il avait constaté que le business model circulaire de la seconde main était en progression de 17% par an de manière annuelle entre 2019 et 2022, comme le montre le rapport de la Fédération de la Mode Circulaire et Accenture. Le rapport indique aussi que la progression devrait être de 13 % jusqu’à 2030. Auchan Retail fait ainsi pivoter son business model, en travaillant avec des partenaires, en l’occurence Patatam/Redive (qui est d’ailleurs depuis fin 2023 en redressement judiciaire) pour implanter 113 corners de seconde main dans les hypers Auchan avec une offre homme, femme, bébé.
- Auchan Retail travaille en mode commerçant classique avec un process d’achat et de revente et donc le calcul d’une marge. Mais d’autres business model existent, comme le dépot vente en Espagne avec Caritas, ou les corners sont gérés par des personnes de Caritas
- La volonte de l’entreprise est d’aller vers plus de décarbonation et une meilleure préservation de la ressource. Mais Auchan reste une grande entreprise commerciale, donc pour la collecte, le tri, la catégorisation, il fallait un partenaire qui permette à l’entreprise de garder ses process d’achats habituels. Il est à noter que Auchan Retail supporte les stocks et que le modèle mis en place n’est pas forcément local, car le système n’est actuellement pas rodé pour cela.
- L’axe de com majoritaire pour la seconde main reste le prix, surtout quand on est un distributeur connu. La progression du marché doit se faire en faisant perdurer l’effort et notamment en faisant attention à la qualité des produits proposés quand on augmente les volumes, même si on ne peut pas prétendre aux même marges que pour la vente classique.
- Cette démarche est un premier pas qui permet à l’entreprise de réfléchir à étendre sa réflexion sur la seconde main, comme élargir la gamme, mais aussi à travailler sur l’éco-conception des produits de la marque In Extenso, car en créant de la valeur en première main, celle-ci existera toujours en seconde main.
- La marque, comme toutes celles qui avancent sur le chemin de la seconde main, doit lutter contre Vinted. C’est un souhait de la direction RSE d’aller dans ce sens, mais la marque considère que la seconde main est un autre métier et qu’elle à besoin de se faire aider. L’accent a été mis sur l’enfant plus précisemment et IKKS travaille avec Smala, un partenaire spécialisé dans ce domaine.
- Ce partenaire dispose d’un entrepot qui se renouvelle toutes les 3 semaines et comme Smala a besoin de gisements donc de produit et IKKS a besoin d’un savoir-faire en seconde main, le deal a été passé. Cette activité de seconde main implique beaucoup de logistique ( nettoyage, tri, catégorisation..) et Smala maitrise tous ces aspects du métier et de plus c’est une entreprise locale.
- L’offre de seconde main IKKS enfant sera sur le marché en 2024. L’entreprise a fait le choix de ne pas porter les stocks et travaille à la commission. Elle souhaite aussi en ajoutant une offre seconde main toucher une autre clientèle, et fidéliser la clientèle en reprenant certains produits contre un bon d’achat. Le principe pourrait s’étendre dans le futur à d’autres gammes de produit comme la maroquinerie.
Des démarches en interne qui nécessitent aussi des convictions
Dans ces démarches d’entreprises déjà installées et qui ont des business model éprouvés sur des marchés on va dire plus traditionnels, la démarche en interne peut s’avérer aussi compliquée. Il faut affronter soit une direction financière qui va parler marge, soit convaincre une direction générale d’avoir trouvé un partenaire fiable pour assurer la viabilité du projet. Il y a aussi un travail en formation interne, sur le terrain, pour expliquer la différence entre le produit initial et le produit upcyclé ou reconditionné (comme chez Auchan). Le personnel est la voix pour expliquer pourquoi c’est plus vertueux de procéder de cette manière, mais il faut aussi savoir être pédagogue lorsqu’il s’agit de reprendre ou de refuser un produit en seconde main.
Second Sew a évoqué également que la motivation d’un collaborateur en interne peut entrainer l’entreprise dans laquelle il travaille à accélérer sa démarche vers la seconde main.
Les Pitchs de startups, montrent comment on transforme et on invente à Nantes
C’est toujours un moment passionnant quand la partie pitch démarre. Voir quelles sont les idées qui sont mises en avant par de jeunes entrepreneurs.neuses, celles qui ont le potentiel à être une avancée majeure ou juste un nouvel usage. Du coté de Nantes, l’upcycling a été à l’honneur avec les différentes startups qui ont présentés leurs idées devant un jury présidé par Annick Jehanne ( Présidente du Fashion Green Hub) et Sami Nouri, ce designer afghan, au parcours bouleversant et dont je reconnais que la lecture de son livre ne laisse pas insensible quand la vie d’un jeune enfant devient si aventureuse.
Les candidats:
- La Virgule : Des sacs proposés en revalorisant du matériel outdoor, mais aussi en partant de la matière avec laquelle on fait les zodiaques
- Sekoïa : Marque au style intemporel et durable, unisex basée dans le Nord de la France
- Maison Les Dames : Une marque de workwear, Made in France, basée sur la pré-commande et co-fondée par 3 amis d’enfance
- Processus : Une mode mixte qui récupère les toiles de parapente et de parachute pour en faire des modèles upcyclés plein de couleurs et d’imagination. Une réalisation nantaise.
- Poreva : Une nouvelle matière issue des chutes de production d’article en cuir, qui devient la base d’une déco intérieur plus éco-responsable. L’ entreprise sauve ainsi plus des kg de cuir de l’enfouissement et des poubelles de l’industrie de la maroquinerie française ( 2000 kg, indiqué cet automne par exemple)
- Second Sew : Une marque d’upcycling qui a démarré par des salopettes d’enfant réalisées en partant de tissus de rideaux. C’est une entreprise à mission, qui travaille avec des ateliers d’insertion et propose son expérience en BtoB à d’autres entreprises désormais.
LISAA Mode était aussi présente pour dévoiler comment on réinvente la mode
C’est important de pouvoir associer les jeunes générations d’étudiants à ce genre d’événement. L’école LISAA Mode, que j’ai croisé souvent tout au long de ces mois de 2023, avait diligenté les étudiants de son antenne de Nantes pour présenter à la Halle Frida Kahlo, les créations imaginées en respectant les critères d’upcycling et de désirabilité.
Un exercice de style, dont il faut reconnaitre que l’équipe présente sur place s’en est très bien sortie, avec personnalité et caractère.
Les Fashion Green Days de Nantes formaient un virage vers la côte Atlantique pour le Fashion Green Hub, qui après le Nord, a déjà essaimé à Lyon. Le souffle de l’Atlantique lui a plutôt réussi, car comme le soulignait Annick Jehanne en introduction, la filière textile locale a joué collectif, un esprit identique à celui connu dans le territoire des Hauts de France. Ces acteurs rassemblés sont très liés au secteur de l’économie sociale et solidaire et proposent des emplois non délocalisables.