7 talents sont récompensés chaque année par les Grands Prix de la Création de la ville de Paris : 3 talents émergents et 3 Grands Prix dans les disciplines des métiers d’art, de la mode et du design, et 1 Prix Accessoires de mode, en partenariat avec ADC.
Les lauréats.es de cette édition 2023 ont été dévoilé.es le 12 septembre, lors d’une cérémonie en présence d’Emmanuel Grégoire, Premier Adjoint à la Maire de Paris, d’Olivia Polski, Adjointe à la Maire de Paris et des présidents.es de jurys : Inga Sempé pour le design, Jean-Charles de Castelbajac pour la mode et Isabelle Stanislas pour les métiers d’art.
Une dotation de 18 000 euros est attribuée aux lauréat.es. Chaque prix est doté de 8 000 euros par la Ville de Paris et enrichi via le Fonds pour les Ateliers de Paris par des partenaires privés : la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin, ADC, le Groupe Galeries Lafayette, ESMOD, Plendi by VINCI Construction, Roger Pradier, Victoire, et le Groupe Galia. Ils et elles bénéficieront également d’une visibilité offerte par les partenaires médias et associés.
Conférence de presse le matin et remise des prix en fin de journée, se sont succédées lors de ce 12 septembre et c’est vrai que l’on admire toujours avec plaisir, les fabuleux plafonds de la salle des fêtes de l’Hôtel de Ville, grande galerie coiffée d’une voûte en anse de panier avec des peintures de la fin du 19 ème siècle. Si il y eu une série de remerciements très politique, des discours conventionnels, une litanie de partenaires, nécessaires, à remercier, tout comme la famille, on a comprix que ces prix sont très utiles pour l’équilibre financier de ces jeunes designers, qu’une couverture militaire découpée peut être le pied à l’étrier d’une carrière artistique (Jean Charles de Castelbajac) et que sous ces vernis et ces peintures dorées on peut exprimer une parole libre et sans langue de bois comme l’a fait la présidente du jury Design, Inga Sempé .
Pour cette édition spéciale anniversaire, qui fêtait donc ses 30 ans, la Ville de Paris avait convié trois personnalités fortes, incarnant purement et simplement la création parisienne, à présider les jurys : Inga Sempé pour le design, Jean-Charles de Castelbajac pour la mode et Isabelle Stanislas pour les métiers d’art. Un prix dédié aux accessoires de mode est remis en partenariat avec Au Delà du Cuir.
Catégorie DESIGN
Julie Richoz – Grand prix
Diplômée de l’Ecal à Lausanne en 2012, Julie Richoz a travaillé de 2013 à 2015 avec le designer Pierre Charpin. Lauréate en 2012 du Grand Prix du jury à la Design Parade de la Villa Noailles, qui lui a notamment permis de travailler avec le CIRVA (Centre international de recherche sur le verre et les arts plastiques), éditée par la galerie Kreo, elle dit être entrée dans la pratique du design avec des pièces uniques ou des petites séries. « Je mets cependant beaucoup d’énergie à développer des projets industriels qui deviennent alors accessibles à un plus grand nombre de personne. C’est une autre démarche, plus complexe, où tout peut s’annuler pour un détail. C’est pourquoi quand j’ai vu le texte d’intention d’Inga Sempé, la présidente du Jury, j’ai eu envie de lui présenter mon travail. Elle expliquait qu’elle voulait valoriser des objets singuliers mais aussi industriels », raconte Julie qui a créé son studio en 2012.
Ses oeuvres ont été réalisées entre autre avec Alessi, Hay, la Manufacture Cogolin et l’éditeur italien Mattiazzi.
Juliette Berthonneau – Talent émergent
Après être passée par la Sorbonne où elle suit des cours d’histoire de l’art puis par les Beaux-Arts de Lyon, Juliette part vivre six mois au Pays Bas où elle fait de l’impression textile 2D et crée des motifs géométriques. C’est là qu’elle entend parler de la Swedish School of Textiles. « J’ai passé deux ans là-bas. C’est une école formidable avec des labos de recherche, des machines, toutes les branches du textile y sont représentées. J’y ai développé mon idée de tissage en 3D. » Sa collection de fin d’étude, est une réflexion sur un tissage en couches, souple et autoportant, isolant, qui peut être sculpté mais reprend sa forme grâce à des propriétés amortissantes. « Les applications sont multiples et la possibilité de customiser les couleurs et de jouer avec les échelles ajoute une dimension esthétique », précise Juliette.
Elle intègre en décembre 2022, l’incubateur des Ateliers de Paris et va profiter de ce nouveau Prix, pour booster ses projets.
Catégorie MODE
Clara Daguin – Grand prix
Clara Daguin est une créatrice éclairée ! Née en France, Clara a grandi dans la Silicon Valley. Son père, ingénieur en électronique, laisse traîner dans la maison des cartes mères et a assemblé lui-même son ordinateur. Peut-être les origines de son intérêt pour la technologie. Il y a, en tout cas, un lien fort entre le père et la fille. « Il a écrit le code de la pièce que j’ai exposée sur le Salon Première Vision en 2018, une robe-installation lumineuse. Ça a été une étape importante tout comme ma participation au Festival de Hyères en 2016 à l’issu duquel j’ai créé ma marque ». Dans la vie de Clara, le vêtement s’est aussi imposé très tôt. « J’ai toujours fabriqué mes vêtements mais cette activité n’avait alors aucune dimension artistique. » Ses cours de stylisme à la Mairie de Paris, son master de design/vêtements à l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs contribuent à changer sa vision. Quant à son séjour de six mois en Inde où elle est émue par des savoir-faire comme la broderie, il forgera son style. « J’ai bénéficié d’un engouement pour la fashion tech. Mais je dois sans doute ma longévité au fait d’associer technologie et artisanat. » Son défilé en janvier 2023 qui déroulait 17 silhouettes en témoigne. « Pour perdurer, il faut aussi trouver un modèle économique. Le mien est basé sur la pluridisciplinarité. Il y a les pièces d’exception que l’on peut acheter ou louer. Je fais du consulting et de la recherche pour des marques. Je propose du prêt-à-porter plus accessible. Et je développe des pièces murales destinées à l’architecture d’intérieur. Il n’est pas toujours facile de ne pas rentrer dans des cases. Mais il est nécessaire de surmonter les difficultés pour créer d’autres voies que celles existantes. Cela vaut la peine d’y croire et d’être obstinée. »
Clara Daguin est un talent étonnant que j’ai le plaisir des croiser à différents moments. Découverte lors de l’optention de son diplome dans les locaux de son école, puis dans un salon professionnel, ou elle n’avait pas vraiment sa place car elle n’est pas une personne qui délivre des séries de produits standards et en fin lors d’autres occasions que la vie nous offre quand la mode, l’art et la tech se réunissent.
Au delà des vedettes qui portent ses tenues, comme Björk notamment, ce grand prix lui va parfaitement car on sait qu’avec elle, le design textile et la tech vont s’associer parfaitement dans un spectaculaire qui n’est jamais superficiel.
Vaillant – Talent émergent
« Je ne voudrais pas que l’on ait de moi l’image d’une ballerine introvertie serrée dans son tutu », lance Alice Vaillant quand on l’interroge sur la première partie de sa jeune carrière – elle a 28 ans – consacrée à la danse. Car avant d’être cette créatrice reconnue, dont les pièces ont séduit Kylie Jenner, elle a, en effet, longtemps porté des chaussons. « J’ai débuté la danse à 7 ans. J’ai été repérée par l’école de l’Opéra de Paris à 11 ans. Cependant à 18 ans, je n’ai pas réussi l’examen d’entrée dans le corps de ballet. Je n’avais plus la flamme. La danse est une discipline très dure, quand la passion n’est plus là ça ne fonctionne plus. » Elle rejoint cependant un grand ballet canadien mais elle a de nouvelles envies. « J’ai toujours été attirée par le vêtement et les tissus. Et la danse, c’est aussi le costume, les essayages, les retouches. Peu à peu, j’ai compris que je ne voulais plus être une interprète mais devenir une sorte de chorégraphe. »
Après des études à l’Atelier Chardon Savard dont elle sort diplômée en 2019 elle lance sa griffe dans la foulée. Son prochain défilé sera organisé sur le toit du Centre Pompidou.
Domestique – Prix Accessoires de mode
Ils ont 35 ans et ils sont enthousiastes, dynamiques et « pètent le feu ! ». Ils ont lancé Domestique, leur marque de maroquinerie en 2016 et emploient déjà 4 personnes. « Nous tenons à ce que nos produits soient fabriqués en France et même à Paris. Tout est ainsi fait dans notre atelier à la Caserne. Nous sommes attentifs à chaque détail notamment le choix des peaux pour que tout réponde à nos exigences en termes de qualité. » Le duo s’est rencontré sur les bancs de l’Ecole de Condé, école d’arts appliqués parisienne, il y a 18 ans. S’ils se sont séparés pour suivre chacun leur voie, l’un à l’Ecole Duperré, l’autre à l’école de la Chambre Syndicale de la Mode, débutant ensuite leurs carrières dans des entreprises distinctes, ils sont restés « meilleurs amis ». En 2015, leur ambition commune de détourner et de décontextualiser des objets du quotidien, leur complémentarité, les amènent à créer Domestique et à lancer une collection d’« objets de design intimistes ».
Ils se positionnent comme une manufacture créative. Ils s’amusent ainsi à bousculer l’univers de l’accessoire avec, comme fils conducteurs, un esprit irrévérencieux et, toujours et encore, leur enracinement territorial, cette conviction, qu’il faut défendre envers et contre tout la fabrication ultra locale.
Catégorie MÉTIERS D’ART
Morgane Baroghel-Crucq Grand prix
« Je suis liée à la matière, raconte Morgane. Les femmes de ma famille pratiquaient ce que l’on appelait les ouvrages de dames. Ma grand-mère chez qui, petite, je passais mes vacances, tricotait, cousait… Elle partait de simples fils et avec ses mains et quelques outils en faisait des vêtements et des objets. Je l’ai toujours vue comme une magicienne. Et j’ai eu la chance qu’elle et ma mère me transmettent ces techniques. » C’est donc naturellement que Morgane se construis un parcours d’étude consacré au design textile.
Cette passionnée s’offre son propre métier à tisser dès la fin de ses études. Son parcours est alors jalonné de rencontres et de succès comme le Prix de la Jeune Création Métiers d’Art en 2015, l’obtention de la bourse de la Fondation Banque Populaire, une exposition sur le salon Révélations… Jusqu’à ce Grand Prix qui va de pair avec une fin d’année bien remplie avec des expositions à Aix dont une en solo et à Paris.
Solenne Jolivet – Talent émergent
À 11 ans, sa mère lui met entre les mains, un kit à broder. C’est ainsi qu’elle débute la broderie. Elle ne s’arrêtera jamais. Sa passion est telle qu’elle fait, à 12 ans, un stage chez le brodeur breton Pascal Jaouen. « Je me suis retrouvée avec des dames retraitées mais cela a confirmé mon souhait de me dédier à ce métier. » Son Bac STI arts appliqués en poche, elle intègre en 2008 l’Ecole Duperré pour suivre un diplôme métiers d’art textiles option broderie.
Elle intègre l’IFM en management, puis ensuite entre chez Hermès, pour développer des tissus. Et… elle s’y ennuie. La matière lui manque. Elle met donc au point sa proposition artisanale. « Dès le départ j’ai voulu m’affranchir des traditions. Je me suis accordée le temps de l’expérimentation afin de trouver mon identité et une singularité. J’utilise ainsi le fil comme un pigment. J’ai créé ce que j’appelle la technique des atolls, des fils enroulés qui créent des nuances. Cela me permet de concevoir différents éléments qui vont entrer dans la réalisation de grandes pièces. Je travaille ainsi dans un esprit d’artisan pour des architectes d’intérieur mais j’ai aussi des propositions plus personnelles et artistiques. »
Elle est installée depuis 2018, dans son propre atelier et est Lauréate en 2021 de la Fondation Banque Populaire.
Cette catégorie Métiers d’art qui met en valeur les artisans/artistes du design textile est souvent la plus spectaculaire. C’est comme une boite magique d’ou on tire un fil avec lequel ces personnalités créent des matières, des formes qui s’intégrent à la mode, au design d’intérieur ou à un produit de décoration.
J’avais eu le plaisir de suivre le travail de Charlotte Kaufmann, talent émergent en 2018 qui est aujourd’hui à Aubusson ou encore de découvrir l’univers poétique de Laurence Aguerre, pensionnaire des Ateliers de Paris.