Le palais Galliera s’est transformé en studio photo à l’occasion de l’exposition consacrée à Paolo Roversi. Elle dévoile 50 ans de photographies et révèle comment l’artiste s’est emparé de la mode pour créer une oeuvre unique. Il s’agit de la première monographie consacrée au photographe à Paris.
D’origine italienne, Paolo Roversi s’installe à Paris en 1973. Il est né à Ravenne en Italie le 25 septembre 1947 et c’est dès l’âge de 21 ans en 1966 qu’il prend ses premières photos à Séville. Même s’il fait des études de droit à Bologne, puis suit le cursus art musique et spectacle, la photo le tenaille et dès 1972, il apprend à développer des photos dans la cave de l’appartement familial avec l’aide …. du facteur. Cette même année il ouvre un modeste studio dans sa ville où il dresse le portrait des familles locales.
C’est grâce à Popy Moreni qu’il découvre le milieu de la mode parisienne et suite à différents contacts, il va voir le studio de Guy Bourdin avec qui il souhaite travailler. Mais lors des premiers échanges on lui demande son signe du zodiaque et sa réponse « Balance » lui vaut une fin de non recevoir. Cela se sera pas le seul événement un peu irrationnel dans son existence, mais souvent les signes ésotériques lui seront favorables.
Cela ne l’empèchera pas de voir ses premières parutions dans Elle en 1975 et de réaliser ses premières commandes pour les Galeries Lafayette, à donc juste 28 ans. Depuis, il a travaillé pour des magazines prestigieux (Vogue italien et français, Egoïste, Luncheon…). Sa carrière est marquée par sa collaboration avec les plus grands créateurs de mode, notamment Yohji Yamamoto, Romeo Gigli, Rei Kawakubo pour Comme des Garçons.
Savoir saisir l’inattendu
Dès 1980 il est pris d’un coup de foudre pour le Polaroid 20-25 qu’il découvre au studio pin-up et qu’il commence à utiliser lorsqu’il s’installe au studio Luce dans le 14e arrondissement. Il travaillera pendant ces années-là sur des campagnes pour les maquillages Christian Dior. En 1990 il découvre par hasard le principe de la sérendipité grâce à un polaroid négatif couleur qui est développé par accident sur un positif noir et blanc. Mais devant le résultat obtenu, Paolo Reversi décide de tirer parti de ce procédé. Il continuera dans un style très personnel en 1996 lorsqu’il commence une série de séances de prises de vue avec un éclairage à la lampe torche.
On découvre sa propension à faire de la photographie sur un temps long. Si les plus grands mannequins sont passés devant son objectif, elles posent toujours avec simplicité et une présence intense. Chacune de ses photographies de mode est un portrait. Paolo Roversi se tient à la fois au coeur du système et à distance, loin des courants éphémères de la mode. À la recherche de la beauté. Les longs temps de pose qu’il privilégie laisse la part belle au flou et au dédoublement des silhouettes. Comme il le dit : « Un long temps de pose, s’est laisser à l’âme le temps de faire surface. Et laisser au hasard le temps d’intervenir » . Ainsi le développement parfois hasardeux des Polaroids, provoque des surprises chimiques toujours accueillies avec enthousiasme.
Dès ses années d’apprentissage, le choix du studio, de la chambre grand format et du Polaroid, définissent la manière de travailler et l’esthétique du photographe qui s’adapte au numérique avec succès. Sa signature est reconnaissable entre toutes : tonalités douces et sépia des noir et blanc à la lumière du jour, densité et profondeur des couleurs à la lumière de la lampe torche.
Au fil des années, Paolo Roversi cherche, invente son propre langage photographique, accueillant les hasards et les accidents comme des opportunités de se renouveler. Il ne passera pas à coté du numérique et c’est en 2008 qu’il commence à s’y mettre. Il fera en 2021 le portrait officiel de Kate Middleton duchesse de Cambridge aujourd’hui princesse de Galles
La sensibilité du photographe ne dépend pas de la technique
Dans un échange disponible dans le magazine Vogue, il explique que « J’ai beaucoup changé de technique. Mais pour moi, le style ne dépend pas de la technique. Le style d’un photographe, c’est son âme. Peu importe la lumière qu’il utilise, peu importe la caméra…«
Cette exposition, prend la suite de celle d’un autre artiste, le créateur Azzedine Alaïa, qui avait comme Paolo Roversi une volonté de privilégier la créativité et de garder son indépendance par rapport à la contrainte du temps.
Le Palais Galliera réunit pour cette exposition 140 oeuvres dont des images inédites, des tirages Polaroid, des archives (magazines, catalogues…) qui dévoilent le parcours professionnel et artistique d’un photographe de mode exceptionnel. Entraînant le visiteur de l’ombre vers la lumière, la scénographie fait du Palais Galliera le studio de l’artiste, un espace imaginaire, le théâtre de tous les possibles.
EXPOSITION DU 16 MARS AU 14 JUILLET 2024
Palais Galliera, musée de la Mode de Paris 10, Avenue Pierre Ier de Serbie, Paris 16e arrondissement
/\ Rencontrer Paolo Roversi est possible, car le photographe italien, habitant Paris depuis 50 ans, est présent dans l’agenda de l’IFM Alumni pour une rencontre culturelle le 16 mai à 18h30 (Paris 13), mais également le lundi 3 juin à 19h à l’Institut Culturel Italien, 50 rue de Varennes, 75007 Paris.
La conférence de presse du Palais Galliera se déroulait dans un des espaces aménagés pour l’exposition, qui montrait en passant, la capacité du musée à exploiter les espaces d’expositions différemment en fonction des sujets. Un point commun rassemble les 2 dernières expos, l’actuelle et celle d’Azzedine Alaïa, c’est le fait de privilégier cet aspect nosturne avec lumière indirecte, qui fait que l’on se promène dans une relative obscurité.
Un détail caractéristique de l’expo consacrée à Paolo Roversi, est l’abscence de cartel associé aux photos, ceci afin que chacun et chacune prennent le temps de rester concentré sur la photo. Comme Paolo Roversi, il faut savoir prendre son temps devant ses prises de vues.
Présentation de l’exposition par la directrice du musée Miren Arzalluz et Sylvie Lécailler (à gauche) chargée de la collection photographique. (scénographe Ania Martchenko). A noter que la direction artistique est faite par Paolo Roversi lui même.
Le musée sait ouvrir son espace aux artistes reconnus, bien sûr, mais aussi aux talents de demain, qui travaillent à une mode plus respectueuse des ressources de la planète, comme il l’a montré en prêtant sa cour au défilé de la Semaine des Autres Modes en octobre 2023.