La mode issue des grandes maisons, de celles dont les monogrammes et noms sont connus internationalement n’est pas forcément plus aisée à mettre en scène que celle d’un jeune label. Comment exploiter les archives de la maison ? Comment séduire les jeunes générations aux aspirations engendrées par une sur-consommation des réseaux sociaux ? Une des réponses à cette question, est la collaboration avec des marques qui touchent les jeunes sans être du sérail du luxe. Ainsi le designer de Louis Vuitton, Virgil Abloh, a imaginé une sneaker en collaboration avec Nike, alors que l’autre grande marque du groupe LVMH, Christian Dior, dévoilait sa collection printemps-été 2022 à laquelle Kim Jones et le rappeur Travis Scott s’étaient attelé en commun.
Dans le cadre de la Fashion Week 2021, après les jeunes labels, voici une sélection de maisons de luxe qui sont pour certaines en haut de leur courbe de vie, alors que d’autres doivent retrouver une inspiration porteuse d’avenir.
Courrèges
Fondée en 1961, la maison Courrèges a révolutionné le monde de la mode et du design. Mouvement, pureté, couleur, lumière… tels sont les caractéristiques et le style distinctif de Courrèges. Aujourd’hui c’est le designer Nicolas Di Felice qui est à la tête de la Direction Artistique de la Maison, avec la lourde tache d’en assurer le renouveau.
D’un pas rapide et en moins de 4mn les acteurs de ce show ont montré pourquoi Courrèges est encore désirable, aujourd’hui, alors que son style avant-gardiste date des années 60. C’est une mode dynamique très fit, nerveuse et principalement monocolor qui a marqué la silhouette homme ou femme, le long des murs blancs de ce studio provisoire. On retrouve les matières modernes et ce brillant qui ne laisse pas la place au clinquant. Les robes font très années 70 et la femme s’en trouve sublimée, même s’il faut reconnaitre que, celles qui possèdent des courbes se sentiront un peu exclues de cette collection. Les coupes contemporaines trouvent leurs places dans le vestiaire homme ou femme et on peut dire que le style Courrèges, assez fidèle à nos souvenirs, n’est pas fait pour raser les murs. D’ailleurs ceux qui formaient cet écrin, tombent à la fin du défilé.
Le travail sur le logo est soigné, très stylisé, quelquefois en ton sur ton. Il trouve parfaitement sa place sur la ligne de bagages proposée et sur les vêtements.
Louis Vuitton
Depuis 1854, Louis Vuitton a inventé un véritable « Art du Voyage » à travers des bagages, des sacs et des accessoires aussi créatifs qu’élégants et pratiques. Pour la saison 2022, Virgil Abloh nous convie à un véritable voyage ou on croise des joueurs d’échecs et de kendo. C’est un voyage initiatique également ou un père, fameux samouraï, mais habillé à l’occidentale emmène son fils dans des contrées merveilleuses, à travers une forêt de boulot.
Cette forêt de boulot et la mise en scène soignée, sont là pour laisser apparaitre une collection qui mélange les genres en proposant des costumes à ceinture à épaule droite et des ensembles en patchwork coloré. L’idée est d’ouvrir le champ des possibles entre le costume et le survêtement. Si le kendo fend l’air, pour s’abattre sur la tête d’un adversaire, la collection fend la coutume et transperce les conventions. Le costume est porté avec des baskets (celle qui ont été imaginée avec Nike, par exemple) et le bas du pantalon est fendu. Imaginer une mode luxueuse pour des jeunes génération qui ont aussi pris des habitudes de remote work, nécessite de sortir des traditions. Si Dior a choisi le vert pomme, LV a opté pour le bleu roi électrique, ce qui nous donne, en tout cas chez eux, une vision du printemps 2022 un peu plus colorée que celles des jeunes labels.
Comme Vigil Abloh l’explique à WWD qui l’a rencontré [ Les vestes sont associées à des pantalons qui tombent autour des chevilles, ou à de longues jupes et robes qui font référence à tout, des kilts aux uniformes de kendo. « Ma génération ne croit pas à cette ligne dure entre les genres. C’est comme si je regardais mes ongles, vous voyez ce que je veux dire », a-t-il déclaré, en montrant des ongles peints en rose fluo sur une main et en paillettes argentées sur l’autre. ]
Bien sûr la démarche inclut comme pour la maison soeur de LVMH, de nombreux accessoires de maroquinerie. La vie peut être un jeu d’échec et une collection un simple pion sur l’échiquier d’une marque séculaire. On espère que celle-ci fera échec et mat à la morosité ambiante, ce qui semble se dessiner avec les récents résultats des groupes français leaders du luxe.
Dior homme
Les défilés, surtout en cette période post pandémie, suscitent plus de bousculade à l’extérieur qu’à l’intérieur. En cette année 2021, imaginant une année 2022 sans entrave (un réve ?) Dior Homme et son créateur Kim Jones proposait un défilé plus proche d’un format normal et moins poétique que ce que la maison nous a habitué pour la mode femme en haute couture. Ce n’est pas parce que les archives de Dior remontent à 1947, qu’il ne faut pas s’adresser aux nouvelles générations, notamment à celles des Etats-Unis qui, elles aussi, ont envie de redécouvrir les joies d’un New Look.
Entre désert aride du Texas et roseraie de Normandie, l’écart semble large. Mais par un jeu d’optique astucieux, ( regarder la maille au logo de Travis Scott, ou on lit presque le nom de Dior) l’ensemble est harmonieux et audacieux. S’ il n’y pas ou peu de femmes dans les défilés des grandes maisons, elles conservent une ligne plus genrée, la silhouette masculine adopte un style tayloring même si le coté bijoux cliquant est très présent. Mais le rap aime ce qui brille.
On retrouve le costume croisé avec une attache de coté, une forme arrondie et le col qui se dresse comme celui d’un officier. La maille est le support des images du Texas, savamment logotypée, les pantalons sont larges (pour 2022, on a compris, tout le monde veux revoir les pattes d’eph, apparemment) et les tissus se font chamarrés et riches, plus oriental que désert d’Amérique. Le vert pomme prend la tête des couleurs vives chez Dior ( Louis Vuitton à pris le bleu électrique) et se trouve rejoint par la douceur d’un rose parme qui reste une couleur conforme au statut noble de cette iconique maison de couture.
[ Entre tailoring et sportwear, cette cabine masculine Dior pensée à deux têtes donnait à voir une mode bien dans son temps où l’héritage de Christian Dior embrassait la patte sophistiquée de Kim Jones et la créativité new wave de Travis Scott.] comme le souligne WWD.
Une question de génération qui taraude en ces années 2020 le groupe LVMH qui entre CD et LV à choisi pour 2022 de réfléchir à mixer ces silhouettes masculines jusque là plutôt éloignées dans le monde de la couture. Autre point commun aux marques de ce groupe, la déclinaison en de multiples tailles de la maroquinerie. Cette offre élargie a plusieurs avantages au delà d’agrandir la gamme. Cela permet de proposer des prix relativement plus accessibles et de donner un nouvel usage à des chutes de matières premières issues de la production des modèles initiaux. LVMH est très actif sur ce point comme le montre la création en interne de sa startup Nona Source.
Christian Dior a choisi une des personnalités les plus hype du moment, Travis Scott, créatif dans beaucoup de domaines avec des fans dont l’enthousiasme a donné des sueurs froides à ses gardes du corps (cf Twitter)
Discover #CactusJackDior, the #DiorSummer22 men’s collection, a conversation between Kim Jones, Travis Scott (@trvisXX) and Christian Dior, live on Friday, June 25 at 2.30pm CET, here on Twitter and http://on.dior.com/mensummer2022.
Christophe Lemaire
C’est une dimension un peu particulière que l’on a quand on regarde le défilé de Christophe Lemaire. La conviction du duo qu’il forme avec Sarah-Linh Tran est de nous proposer une garde-robe axée sur des pièces polyvalentes conçues pour la vie quotidienne. Cela se voit et se ressent.
Les mannequins défilent avec des gestes de cette vie quotidienne, jeter un regard sur la vie autour de soi, remettre en place une mèche de cheveux rebelle. C’est une mode qui exprime la vie ou la notion de costume disparait pour laisser la personne exister. D’ailleurs dans cette collection aux couleurs sobres et sombres, il n’y a pas de logo qui claque. C’est un artifice inutile.
Mais si on ne peut qu’être séduit par les pièces à manche, les manteaux et trench sont toujours simples et superbes, toute la collection s’inscrit dans une démarche sophistiquée, qui laisse vivre le corps qu’il soit masculin ou féminin. Une élégance intemporelle, très urbaine, pour une mode dont la souplesse des formes et des coupes ne laissent pas sombrer le style dans un sportswear négligé.
Rétroliens/Pings