La mode et le textile sont souvent dans l’oeil du cyclone par l’impact négatif qu’ils imposent à la nature et aux ressources naturelles, entrainé par une consommation déraisonnable (Vive le MakeFridayGreenAgain !). Mais face au rouleau compresseur de la fast-fashion, aux habitudes de consommation et aux process industriels peu agiles, il faut chercher du coté de solutions opérationnelles pour permettre l’émergence d’une mode toujours désirable, mais plus respectueuse de l’environnement.
Lors des Fashion Green Days de Lyon en septembre 2023, on a eu une vue précise de cette catégorie d’acteurs qui agissent de manière concrête, en dehors de la seconde main ou de l’upcycling, pour permettre aux marques d’intégrer dans leurs chaines de valeur, un process industriel qui peut réconcilier les attentes des consommateurs tout en prenant soin de notre planète.
Ces acteurs se nomment Weturn et Pyratex. Les solutions qu’elles proposent sont destinées aux professionnels et aux entreprises installées pour faire face rapidement aux enjeux de demain, non, en fait d’aujourd’hui et aux nouvelles réglementations qui se mettent en place.
[ N’oubliez pas que les Fashion Green Days de Nantes se déroulent les 16 et 17 novembre 2023 ]
Aux Fashion Green Days, Weturn présente sa méthodologie qui permet aux entreprises de valoriser leurs invendus


Weturn est bien placée pour parler de performance circulaire dans le textile. L’entreprise a été créée, il y a 3 ans désormais et compte actuellement 10 personnes. Elle a gagné le prix LVMH Innovation Award en 2022 et à fait de ce groupe de luxe et de ses filiales, un client et un partenaire.
Elle apporte des solutions à la filière textile dans le cadre de la gestion des invendus et des surstocks, qui sont controlés désormais par la réglementation de la loi AGEC. La question du traitement des invendus est complexe, car il faut faire une analyse des matières qui composent ceux-ci, sachant que la priorité de Weturn est de traiter les matières naturelles. Le tri des matière est une étape nécessaire, car aujourd’hui la technologie ne permet pas encore de traiter les surplus de manière indifférenciée. Chacune des matières, naturelle ou synthètique nécessite de prendre en compte les filières différentes en amont.
L’entreprise démarre en organisant une première étape de collecte, ensuite enchaine par le tri par couleur et par matière, puis la sélection, le regroupement par lot, avant le travail de traitement qui voit le vêtement redevenir fibre par des systèmes mécaniques doté de couteaux.
Weturn, travaillant à refaire du fil en partant de ces surstocks, assez naturellement, l’entreprise a intégré dans sa proposition le développement d’une collection permanente de fil. La fibre récupérée est retissée avec des fibres vierges pour assurer une meilleure qualité. La transformation mécanique, faite en Italie ou en Espagne, donne en effet une fibre plus courte qui se révèle moins résistante donc moins durable, ce qui n’est pas le but. Les liens tissés, c’est le cas de le dire par Weturn avec ses partenaires tisseurs et les filateurs, permettent d’augmenter la proportion de la fibre recyclée dans la production de ce nouveau fil.
Les solutions de Weturn s’adressent à toute les entreprises qui ont une image de marque forte et qui ne peuvent prendre le risque que de voir leurs propriétés intellectuelles galvaudées sur un marché secondaire ou par une défaillance par rapport à la réglementation, maintenant que la destruction des invendus est interdite. Les acteurs du luxe et des chaînes de prêt-à-porter sont les premières concernées auxquelles l’entreprise est capable de répondre par des demandes sur mesure pour revaloriser les surstocks existants.
Mais si les process de cette industrie doivent changer, tout en restant focus sur les attentes des consommatrices et consommateurs, cela entraine un besoin de formation en interne. C’est pourquoi Weturn complète ses solutions industrielles par des formations à l’éco-conception, qui sensibilise notamment à une production monomatière. Les innovations futures apporteront sans doute d’autres solutions à l’avenir, comme ce plastique bio-dégradable, imaginé par les japonais ? Mais Weturn est là pour être opérationnel rapidement.
L’approche proposée permet bien sûr de travailler la traçabilité sur toute la partie recyclage, ce qui permet à la marque d’avoir un rapport d’impact pour chaque production et mieux comprendre ou se situent les leviers d’actions de ses différentes productions. Weturn a crée MT® et souhaite devenir une marque ingrédient de référence pour garantir la qualité et la traçabilité des matières recyclées utilisées dans les produits conçus grâce à ses solutions.
Nouvelle solution VALO par Weturn pour traiter les invendus textile
Weturn a formalisé son approche avec la solution VALO. Elle concrétise les propos tenus sur la scène de Lyon. Cette solution à comme objectif la circularité, depuis la collecte et le déstockage des invendus grâce à une méthodologie désormais éprouvée. L’entreprise propose sa solution avec toute une partie SaaS sur la blockchain, pour assurer le suivi de la traçabilité efficace et rapide.
Les actions concernant la seconde main et les chutes de production textile, ne sont pas prises en compte dans le process, mais peuvent trouver des issues favorables grâce à des partenaires.
Pour les groupes qui ont peu de temps devant eux pour être conforme avec la réglementation qui évolue rapidement, ou qui ne peuvent multiplier les experts dans leurs équipes, Weturn, leur permet d’être agile. Quand on dit que rien ne se perd, mais que tout se transforme, c’est tout à fait ce que veut montrer au quotidien Weturn.

[ TABLE RONDE Fashion Green Days – Lyon 2023 : PERFORMANCE CIRCULAIRE – ANIMÉE PAR ALEC BILLON-BLOUIN, TECHTERA- avec : Agathe Rouzaud, ECOLLANT – Héléne Geneau, WETURN – Paul Gluszak, MOBIUS PACK – Simon Peyronnaud, LOSANJE ]
Aux Fashion Green Days, Pyratex montre comment remplacer les fibres synthétiques par des nouvelles fibres issues de la nature

Pyratex est une entreprise de R&D qui propose aux acteurs de la filière textile des tissus en fibre naturelle ou en fibre recyclée. Les produits sont fabriqués soit en Europe, soit au Mexique, pour les clients américains.
Pyratex a fait le choix dès le départ, j’ai la chance de suivre cette entreprise depuis ses premières années, de créer une gamme de fibre textile ( il y en a plus de 60 actuellement) en s’appuyant sur les produits issus de la nature, notamment les plantes, tout en utilisant ces ressources en veillant à leurs localisations et à la manière dont elles sont cultivées (utilisation d’énergies renouvelables et process incluant la traçabilité et la durabilité). Les fibres naturelles proposées ont la propriété d’être recyclables ou biodégradables, respectueuse du travail humain et fabriquées pour le long terme. Il est à souligner que l’entreprise est certifiée B Corporation depuis 2023.
Le but de Pyratex est donc de remplacer les tissus synthétiques par des tissus naturels et d’éviter les mélanges entre coton et polyester, car comme on l’a vu déjà, les cycles de traitement sont différents et complexes. Une des alternatives est notamment le Lyocell, par exemple, une fibre issue du bois qui peut notamment être utilisée pour la réalisation de maillot de bain. Ce challenge pour l’entreprise de R&D a permis d’imaginer une fibre hydrophobe pour remplacer le lycra et l’élasthanne.
La gamme de Pyratex, inclut également des tissus à base d’algues qui peuvent être faits de différents grammages, de formes et de couleurs diverses, comme les modèles qui ont été conçus par exemple avec Albert Elbaz ou Philip Lim. Aujourd’hui des tissus existent dans la gamme Pyratex, grâce à un travail de tissage avec des fibres issues de déchets agro-alimentaires, venant de la culture des oranges ou des citrons, cultivés en Italie.
La performance des tissus issues des fibres naturelles, doit encore affronter la contrainte économique qui doit permettre de passer à quelque chose d’aussi performant que le synthétique pour un coût que le consommateur doit accepter. En terme de couleur la demande est quelquefois complexe à traiter car l’ennoblissement des tissus ne doit faire perdre les avantages de la fibre naturelle.
« La clé est d’éduquer la société pour qu’elle comprenne l’impact de la façon dont nous nous habillons. L’une des choses les plus puissantes que nous puissions faire en tant que consommateurs est de voter avec notre portefeuille pour quelle entreprise nous choisissons de soutenir. Que l’impact soit positif ! » ajoute Ietje Klaver qui était présente à Lyon et à repris cette idée dans une itw à la presse espagnole, par la suite.
Vêtements antioxydants et bénéfique pour ceux qui les portent
Les tissus développés chez Pyratex sont de haute qualité, très doux, durables et apportent également différents bénéfices pour la peau : antibactériens, anti-irritants, avec une protection solaire…. On retrouve les éléments de la valeur de ces tissus dans une itw dans la presse espanole, accordée par la CEO Regina Polanco qui détaille la démarche de l’entreprise « La fonctionnalité de nos tissus est le pilier central de notre innovation et nous recherchons cette fonctionnalité dans la nature, en fabriquant des tissus avec des plantes qui possèdent naturellement ces propriétés ». « En d’autres termes, si les algues contiennent de la vitamine E et des antioxydants, qui sont idéaux pour les soins de la peau, nous parvenons à préserver ces propriétés dans nos tissus PYRATEX®seacell, fabriqués à partir de fibres d’algues« ,
Cependant, il existe une autre priorité majeure dans le développement de leurs produits. Comme l’explique Régina « nous ne pouvons pas concevoir tous ces attributs sans tenir compte de la durabilité ». La mode étant la deuxième industrie la plus polluante de la planète et étant un nouveau fournisseur de textiles pour les marques, la durabilité est notre premier filtre en matière d’innovation« .
Elle souligne aussi comme Ietje que : » aussi attrayant que cela puisse paraître de porter des tissus fabriqués à partir de fibres naturelles originales, l’un des plus grands défis auxquels nous sommes confrontés est de changer la mentalité des marques et des consommateurs finaux. »
[ TABLE RONDE Fashion Green Days – Lyon 2023: MATIÈRES PERFORMANTES ET DURABLES (ANIMÉEPAR CAROLINE MULLER) avec : Damien Pommeret, THE WOOLMARK COMPANY – Letje Klaver, PYRATEX – Margaux Lamourelle, AURA CHANVRE ]

Le travail de R&D de l’entreprise permet d’élargir la gamme de tissu avec de nouvelles propositions comme celle qui permet d’associer la cellulose et le coton recyclé, issus de vêtements post-consommation.

La maille, nouvelle proposition de Pyratex
En parralèle, l’entreprise espagnole a étendu ses réflexions au monde de la maille et a développé son PYRATEX® knitwear lab qui propose un service complet de tricot alliant savoir-faire, performance naturelle et innovation, le tout géré via une chaîne de production certifiée.
L’un des éléments clés de cette nouvelle proposition est la maîtrise de la technique de tricotage : les pièces du vêtement sont directement tricotées dans la forme et la taille requises, puis cousues ensemble, ne générant pratiquement aucun déchet. Une démarche qui s’incrit tout à fait dans l’air du temps
Pyratex s’approvisionne à partir de la matière première, développe ses propres fils de fibres naturelles, biosourcées, régénératives et recyclées. La fabrication des vêtements en maille mélange ses fibres uniques telles que l’abaca ou le seacell et inclut la possibilité de les mélanger avec de la laine recyclée ou issue de l’agriculture éthique. L’ensemble est fabriqués en Espagne, ou Pyratex développe ces tricots du prototype au vêtement final pour des marques de Prêt-à-Porter et d’Athleisure.

Nouvelles collaborations
Pyratex travaille avec des marques soucieuses de leur empreinte carbone textile. La motivation partagée permet d’accéder rapidement à des offres produits comme celles présentées ci dessous avec Hopaal et Ganni.

La marque de mode danoise Ganni s’est associée à Pyratex pour créer une collection de vêtements fabriquée à partir d’un biomatériau de déchets de banane .

Pyratew est présente dans le Hors série du Journal du Luxe d’octobre 2023
Que cela soit Weturn ou Pyratex, on voit donc émerger des solutions à différents niveaux de la chaine de valeur. Plus en amont avec la R&D, incluant l’aval avec le traitement des invendus. Il serait intèressant que ces solutions et le fil qui en est le résultat, deviennent un marqueur de qualité et de respect de l’environnement dans la conception du vêtement. Pas forcèment un label, qui peut avoir une image très administrative, mais un réel différenciateur sur le marché qui montrerait que fabriquer des vêtements avec un fil Weturn ou Pyratex est une garantie pour le consommateur que l’empreinte carbone est la plus faible possible.
Dans le temps, on constate que souvent les maisons de couture communiquaient conjointement avec le nom du fabricant de tissu, comme par exemple avec Bianchini Ferier, grand soyeux lyonnais, aujourd’hui disparu.

Cette qualification de la matière première qu’est le fil apporterait des garanties, alors que l’on voit des présentations de certains produits, qui semble un peu tendancieuse. On remarque dans les propositions relayées par les magazines de mode féminine des productions fast-fashion dont on peu admirer le sens de la litote et l’utilisation du mot laine dans le descriptif, alors que cette matière n’y est que peu présente.
Ainsi on peut trouver des pulls avec une « touche de laine ». J’imagine aller chez mon boulanger chercher une baguette avec une « touche de pain » !


Il est à noter que si ces marques font des exercices marketing d’équilibriste avec le vocabulaire, elles ne cachent pas la réalité de la situation en précisant le fait qu’elles proposent des matières issues de ressources fossiles, qui rejettent des microfibres plastiques dans l’environnement lors du lavage. Donc le consommateur est au courant qu’il achète un pull en polyester et acrylique avec au maximun 9% de laine !