Quelques lumières brillent de leurs lueurs blanches sur la facade de ce nouveau bâtiment. Et à l’avenir, elle risquent d’être bien plus nombreuses. A l’intérieur le bêton tient bien sa place et les peintures n’ont pas eu le temps de sécher, pour la simple raison, qu’il n’y en a pas. Ce batiment, rectangulaire comme une boite à chaussure, est le repaire du Fashion Green Hub qui a ouvert son nouveau Plateau Fertile à Paris, cousin proche par l’esprit de celui de Roubaix dans les Hauts de France.
Au 15 avenue Jean Baptiste Berlier, ce bâtiment moderne, tout en vitres extérieures, présent aux pieds des tours duo, qui vont sans doute faire parler d’elles, pas très loin de la fameuse Station F, compost génial de la culture de startups, est prêt à accueillir toutes celles et ceux qui veulent voir la mode prendre un chemin plus vertueux, plus circulaire et rapprocher le travail de l’idée de celui de la main.
Juki et Singer sont dans un bateau et aucune des deux ne tombe à l’eau
Un Plateau Fertile est un tiers-lieu ou on échange, on collabore, on utilise les machines mises à disposition. Quand Juki et Singer se cotoient, c’est pour travailler ensemble à la réalisation d’une mode plus éco-responsable. Ce lieu est la boite à outil qui permet à toutes structures, jeune créateur qui se lance, ou entreprise installée qui a besoin de revitaliser ses process de production, de venir concevoir ses nouveaux produits, modifier sa chaine de valeur et avancer.
Les Plateaux Fertiles sont accessibles aux membres de l’association Fashion Green Hub. L’adhésion annuelle démarre à partir de 60 € TTC pour des profils individuels et progresse en fonction du CA lorsqu’il s’agit d’une entreprise. Aujourd’hui ses membres sont composés de grandes entreprises, de créateurs, d’écoles, mais également de chercheurs, de fabricants et de startups.
L’objectif est de rassembler toute la chaine de valeur pour bâtir ensemble la mode que nombreux appellent de leurs voeux et qui doit se réinventer. Cette association anime aussi des projets sur le changement de modèle : écoconception, upcycling, fabrication à la demande, éradication du plastique…
Les entreprises et porteurs de projets peuvent venir au sein de ces Plateaux Fertiles pour y travailler ensemble sur des sujets de transition, y utiliser des logiciels et des machines pour prototyper, fabriquer en petite série, vêtements et sacs, sélectionner des matières dans la tissuthèque circulaire, s’entraider au sein des Café Fertile mensuels, se former, vendre grace aux Pop-Up Fashion Green Room. Ces derniers sont présents souvent dans les Hauts de France, mais le No Mad Shop ouvert en fin d’année dernière à Paris montre que le concept va toucher d’autres régions de France.
Les services disponibles dans ce lieu se louent à l’heure, la demi-journée ou plus. Il n’y a pas de durée minimale ou maximale pour louer un espace ( il y a aussi des bureaux dédiés) car l’objectif est d’avoir un roulement des personnes afin que tout le monde profite de ces espaces. Il n’y a pas de « résidences créateurs » à l’année.
Un équipement complet pour lancer et développer son projet
Les porteurs/porteuses de projets trouvent au sein de cet univer collaboratif, des machines, des logiciels, de l’espace et la force du réseau pour avancer. Le Plateau Fertile parisien s’étend sur 342 mètres carrés. Il est composé de toute une palette d’outils physiques comme, un studio photo, un fablab de prototypage et de confection en petite série équipé de machines à coudre familiales et industrielles, surjeteuses, machines à recouvrement, pose pression, imprimante textile Epson (un équipement pour le cuir est à venir). La machine la plus puissante est l’imprimante textile Epson F2100 (partenaire de Fashion Green Hub). Les ordinateurs mis à disposition et que l’on peut louer à l’heure seront équipés en logiciels de modélisation 3D. Ce projet est en cours de développement et devrait être effectif au cours de l’année 2023.
Il y a également 2 salles de réunion (une de 15 personnes, une de 5 personnes (modulable en studio photo)), pour brainstormer dans les meilleures condtions, auxquelles s’adjoint une matériauthèque (développée à l’échelle nationale, accessible en physique au Plateau et en digital en partenariat avec la plateforme Tekyn).
Le plateau parisien a une capacité de 50 personnes maximum (pour les petits évènements type Open talk, Café Fertile). La capacité du fablab est en cours d’analyse, car l’ouverture est toute récente. Pour laisser le plus de confort et d’efficacité à chacun, l’association estime aujourd’hui qu’elle peut accueillir 4-5 créateurs par jour.
L’ endroit propose également les formations de Fashion-green-campus , un espace de coworking pour 10 personnes, une cuisine équipée, un coin détente et l’indispensable wifi.
On remarque l’absence de cloisons et la présence de panneaux realisés à partir de brique de textile réalisées par Fabbrick
Etre membre de l’association Fashion Green Hub, permet donc d’accéder à ces tiers-lieux, à Roubaix et désormais à Paris, mais également de profiter en plus des outils physiques évoqués plus haut, d’outils dématérialisés nationaux :
- Le pôle distribution Fashion Green Room (projet en cours de développement : Vidéo de présentation),
- Le pôle évènementiel Fashion Green Days (2 jours de conférences par des experts + espace d’exposition), En 2023 ils sont prévus à Roubaix en juin et à Nantes en novembre (date à confirmer).
- Les groupes de travail inter-entreprises qui sont des programmes de recherche-action pour accélérer l’essor de la mode circulaire, en France.
- L’Atelier Agile par Fashion Green Hub, qui aujourd’hui est devenu une entreprise SAS : Présentations
L’adhésion au Fashion Green Hub se fait sur le Site officiel de FGH. Elle permet d’utiliser toutes les ressources mises à disposition, suivant un barème.
Un tiers-lieu qui joue le collectif avant tout, fruit d’un travail de longue haleine du Fashion Green Hub
Il ne s’agit pas seulement d’avoir une palette d’outils à disposition. Il faut aussi un environnement favorable, une culture globale et quelquefois spécialisée, sur les différentes étapes qui composent les métiers de la mode et savoir ou trouver la bonne information qui manque.
C’est une des forces du Fashion Green Hub. Cette association d’entreprise mode et textile engagées pour une transition durable rapide, produit des solutions collectives pour une mode plus durable, éthique, locale et innovante, créatrice d’emplois sur les territoires et en phase avec l’objectif de décarbonation de l’Union Européenne, depuis sa création fin 2015. Elle rassemble aujourd’hui 400 membres situés dans toute la France. Elle est née à Roubaix, ville de Textile et ville pionnière du Zéro Déchet, et a à cœur d’accompagner toutes les entreprises, petites et grandes, via un travail en collectif et des projets concrets.
Rencontres, échanges et discussions ont déjà démarré au Plateau Fertile parisien
Si les machines à coudre vibrent, si les aiguilles s’agitent frénétiquement, encore plus lorsqu’il s’agit des surjeteuses qui lancent leurs escadrons de pics métal à l’assaut des pièces à bâtir, dans ces espaces ou tout se construit et s’élabore, on prend aussi le temps de discuter et d’échanger.
Le premier talk a eu lieu le 5 janvier sur la thème Mode, Luxe et Climat. Bon, on ne vas pas se cacher, on n’a pas parler beaucoup de croissance, mais plutôt de décroissance. Les enjeux deviennent sérieux et s’il y a une chose que chacun peut faire, à son niveau c’est regarder sa manière de consommer, impliquant donc de produire différemment et choisir une option plus orientée vers la sobriété voir même vers la frugalité. Cette option, certaines entreprises l’ont déjà intégrée dans leurs stratégies et avancent en infléchissant le modèle classique et en faisant face avec justesse à la problématique de la raréfaction des ressources.
Un des principaux point qui est ressorti de cette discussion initiale est la convergence de différentes crises qui forment un bouquet plutôt épineux actuellement et augmentent les difficultés auxquelles vont devoir faire face les jeunes marques et acteurs de cet univers.
Le choix de vouloir un mode de production plus respectueux des ressources naturelles et des ouvrier.e.s, nous amènent à imaginer que la seconde main devienne un palliatif efficace pour ne pas plomber totalement la croissance, laissant ainsi un peu de temps et d’argent pour imaginer de nouveaux services, comme la location ou la réparation, qui commencent à se faire une place dans les usages.
Ces discussions au sein du Plateau Fertile sont un moment d’échanges rafraichissant, qui forment un parfait complément à des groupes de travail, mis en place pour irriguer la communauté de Fashion Green Hub. Un des derniers travaux de ces groupes a consisté à réfléchir sur la place du plastique dans la mode. Un livre blanc issu de ce GFGH est désormais disponible.
Ce nouveau Plateau Fertile dédié à l’économie circulaire à Paris est le fruit d’une collaboration Public Privé
C’est dans le cadre d’un appel à projets lancé par la Ville de Paris à l’été 2022, que la RIVP (Régie Immobilière de la Ville de Paris), partenaire de Fashion Green Hub a proposé de consacrer un étage du bâtiment réhabilité de l’Hôtel Industriel Berlier, sis 15 rue Jean-Baptiste Berlier, dans le XIIIe arrondissement de Paris, à l’économie circulaire.
Si cette RIVP est le bailleur de Fashion Green Hub, structure associative, celle-ci est soutenue par la région Ile-de-France, la Ville de Paris et l’ADEME en majeure partie. Elle est labellisée par l’état et l’ANCT Manufacture de proximité et rattachée au cabinet de la Première Ministre via le GIP France Tiers-lieux !
Cette manufacture de l’économie circulaire sera une vitrine pour la mode durable, en lien et en complément de La Caserne, située dans le Xe arrondissement. La Caserne accompagne dans leurs essors une quarantaine de jeunes marques responsables, alors que le Plateau Fertile lui, appartient aux structures collectives de l’Économie Sociale et Solidaire (ESS) de la filière TLC (textile, linge de maison et chaussures).
Berlier, un nom prédestiné pour imaginer le futur
Cet hôtel industriel Berlier, porte le nom d’une personnalité assez étonnante. Le monsieur Jean-Baptiste Berlier, comme nous l’indique Wikipédia, est un autodidacte de génie. Il s’invente carrément un cursus d’ingénieur à l’École des Mines, mais cette abscence d’étude et de diplôme ne l’empêche pas de faire carrière dans l’ingénierie et de créer un système de transmission « pneumatique » des cartes-télégrammes à Paris par tube pneumatique, puis d’être l’auteur du premier projet de « tramway souterrain » pour Paris, l’actuel métropolitain.
Au Plateau Fertile on espère rencontrer plein de jeunes qui inventeront de nouvelles voies pour faire passer leurs idées (un peu le pneumatique d’hier 😉 et ne s’arrêteront pas à la quête d’un diplôme, mais s’ingènieront à imaginer des solutions innovantes, augmenteront leurs compétences grâce à la fertilisation croisée des expériences et des idées de ce tiers-lieu.