Thomas Huriez a longtemps associé dans son travail des 0 et des 1 et puis un jour, il a voulu voir les choses différemment et il y a ajouté un 8 et un 3. 1083 était née, entreprise textile française qui prone le Made in France. Devenu chef d’entreprise dans une activité de la mode que ne laissait pas présager son parcours initial dans l’informatique, il a pu noter les impacts de son activité sur les ressources de la nature, l’importance de travailler avec une vision collective et comprendre comment les territoires étaient le maillon le plus efficient pour faire bouger les choses. Après un premier ouvrage sur le Re-Made in France, il emmène avec lui l’équipe d’auteurs qui nous propose La Permaindustrie, un ouvrage qui est une roadmap pour permettre au monde industriel, qui ne se limite pas au monde du textile, de progresser dans l’équilibre nécessaire entre production, consommation et respect de la nature.
L’ avenir proche vers lequel veut nous mener ce livre « La Permaindutrie », ne se fait pas en un claquement de doigt, même si l’ouvrage instructif et très complet nous donne, au travers des exemples cités les clés pour avancer. Il faut donc garder une vision globale sur le monde qui nous entoure et s’engager vigoureusement dans une voie qui semble nouvelle, inspirée par la nature et le bio-mimétisme, sans craindre de devoir escalader quelques montagnes avant d’atteindre le but. Le livre proposé est accompagné d’un site web et d’un compte instagram pour interagir avec la communauté des personnes sensibles à cette approche.
Constat : Le modèle de société actuel que certains appellent « consumériste/productiviste » semble visiblement à bout de souffle.
La consommation excessive et permanente, le réchauffement climatique, les problèmes d’environnement, l’épuisement de certaines ressources naturelles… cette liste d’enjeux capitaux pour notre planète a amené l’équipe d’auteurs qui a travaillé sur cet ouvrage « La Permaindustrie » à se poser des questions pour envisager d’autres pistes, notamment après avoir regardé ce qui faisait les bases de la Perma Culture. Ce dernier terme correspond à un mode d’agriculture fondé sur les principes du développement durable, se voulant respectueux de la biodiversité et de l’humain et consistant à imiter le fonctionnement des écosystèmes naturels.
La Permaindustrie se veut adepte de principes identiques et veut adopter une vision qui se base sur l’observation des écosystèmes et des cycles de vie. Elle vise à créer une industrie durable en s’inspirant de la nature. Cette démarche permet de faire évoluer les pratiques industrielles dès à présent pour co-construire un futur respectueux où les humains, l’économie et l’écologie sont indissociables. Elle participe à la création de nouveaux modèles. Inspirée par les mécanismes millénaires de la nature, La Permaindustrie et un appel à réinventer notre manière d’interagir avec le monde. Ces principes fondateurs nous guident vers un avenir ou l’humanité et la nature peuvent prospèrer conjointement.
Répondre aux enjeux de la planète de manière individuelle certes, mais aussi collective
Chacun peut garder son sens critique, envisager de suivre quelques règles personnelles et choisir de vivre différemment en changeant ses habitudes. C’est un peu la stratégie du colibri, ou chacun fait sa part. Mais les réponses arriveront plus vite si certaines organisations collectives avancent de manière volontaire dans cette voie, entrainant non plus seulement un ou plusieurs individus, mais tout un éco-système.
L’entreprise fait partie de ces acteurs du collectif. Ce livre montre qu’elle peut, en tant qu’entité économique qui sait évoluer constamment pour s’adapter aux défis économiques, sociaux et environnementaux, impulser cette voie de La Permaindustrie sans mettre le feu au monde actuel.
Des réponses concrêtes et pragmatiques
Conçu par des auteurs qui ont des responsabilités aux seins d’entreprises et épris d’un respect pour les ressources de notre planète, cet ouvrage au delà de présenter le concept, que nos activités industrielles soient en harmonie avec les écosystèmes qui nous entourent, vont définir 6 principes indissociables à l’évolution souhaitée et montrer des exemples de sociétés, sous la forme d’ESS, mais pas que, qui ont déjà avancé dans ce domaine, comme par exemple, CQLP, Doitrand ou encore LITA ( il y en a 7 en tout). Bien sûr le textile est présent dans cet ouvrage puisque 2 des auteurs sont issus de ce secteur d’activité.
C’est pour montrer qu’au delà du discours, nos entreprises, nos associations, nos territoires regorgent d’exemples concrets de Permaindustrie et que ce livre, presque un programme politique, nous montre qu’il nous faut les démultiplier en suivant ensemble la marche de la nature.
Les six principes proposés
- Créer, produire
- S’interconnecter
- S’adapter au terrain
- Etre circulaire
- Cultiver la diversité
- Se limiter, être sobre
Si la perspective du progrès que nous avons un peu en tête, c’est dessinée depuis des années en faisant fi de la nature, en la négligeant complètement, le livre nous explique qu’il y a urgence désormais à réfléchir, à agir et à s’organiser ensemble pour réformer cet état de fait. Thomas Huriez qui porte la parole devant la presse et les médias, explique qu’il « faut changer notre façon de faire transition et impact » et « que ces mots employés ne sont pas définitifs, car ils sont trop génériques, il faut un terme plus fort, plus explicite, comme La Permaindustrie pour qualifier cette volonté de changer notre chemin« .
Cela passe par ces 6 principes qui fondent La Permaindustrie, dans un but d’une application quotidienne, 6 principes qui se répondent, qui intéragissent en permanence les uns avec les autres et ne peuvent en pratique être joué en solo. Il faut monter en puissance et faire des choix en partant de ces 6 critères, jouer ensemble en harmonie, sachant que le critère « se limiter, être sobre » semble le moins en vogue actuellement.
En tant que chef d’entreprise, Thomas Huriez est confronté chaque jour à ces enjeux au sein de 1083, une entreprise qui fait 12 mio de CA et se bat sur le marché du textile pour faire exister le Made in France. Comme il est souligné dans l’ouvrage, le terme Permaindustrie se lit de manière unique sans césure et laisse apparaitre en son centre, le mot MAIN. La main est le lien, l’outil qui prolonge le bras de l’individu pour exécuter son intelligence et son génie.
Très ouvert à la discussion lors des différentes rencontres organisées dans ses locaux de la rue de Turenne ou lors d’une présentation faite sous l’égide de l’organisme OFG (Origine France Garantie), dont il est administrateur, il avoue « je ne rêve pas de changer le monde, cela nous dépasse tous, mais cela me plaît de faire ma part de vivre des aventures d’essayer de penser et de faire mieux« .
Cette vision très pragmatique, d’homme de terrain qui peut traverser ses ateliers en comprenant tout ce ce que font ses ouvriers et ouvrières, intègre le fait qu’on a besoin de former mais aussi de revaloriser ces métiers de savoir-faire, ce qui commence par bannir le terme générique d’opérateur, qui banalise les différents postes de travail et ne fait plus ressortir les spécificités des différents métiers. On doit être fier de notre industrie et organiser au passage du tourisme industriel, être fier d’être ouvrier et artisan, que la répétition de l’acte industriel doit être valorisé (tout comme pour un musicien ou un sportif de haut niveau) et qu’il y a une reconnexion à faire avec les savoir-faire manuels.
Tenter de relocaliser une filière de jean proprement et d’autant plus stimulant que le jean est toujours un des vêtements les plus polluants, sur un marché mondialisé et concurrentiel car on consomme en France plus d’un jean par an et par personne. Sur les 67 millions de jeans vendus chaque année dans l’hexagone, seulement 100 000 sont fabriqués en France. La relocalisation est donc un puissant levier de décarbonation à notre disposition, car notre énergie est bien moins carbonée que celle de l’Inde ou la Chine et qu’au delà de la relocalisation, il faut que cette proximité devienne une valeur émotionnelle forte et un levier pour vendre.
Le livre présente aussi des anecotes qui montrent sans doute aussi, que ce monde du textile a besoin de s’ouvrir , de s’interconnecter avec d’autres univers. Thomas Huriez venait donc à l’origine de l’informatique. Quand il parle de collectif et de travail d’équipe, il évoque la voile, qu’il ne pratique pas, mais parce que c’est aussi un esprit agile qui ne raisonne pas que vertical. Ainsi un des faits majeurs pour le lancement de sa marque en 2013 à été d’étudier avec son partenaire tisseur le fait d’inverser les fils de chaîne et de trame pour utiliser une chaîne blanche existante. C’était la seule solution abordable pour tisser quelques mètres et c’était aussi la clé pour être compétitif en tissant de petits métrages au prix de grands volumes. Une idée qui était plus facile à proposer quand on vient de l’extérieur.
L’édition de ce livre dédié à la Permaindustrie est l’œuvre de 4 professionnels engagés :
- Thomas Huriez, co-fondateur de la marque de jean fabriqué en France 1083, administrateur d’Origine France Garantie et de l’éco-organisme Refashion. Il est déjà auteur d’un livre, Re-made en France chez Dunod, 2019.
- Eric Boël dirige depuis 30 ans les Tissages de Charlieu, une entreprise spécialisée dans le tissage jacquard, la confection automatisée et le recyclage.
- Audrey Prat est engagée dans la mise en œuvre de modèle d’affaires circulaires, durables et inspirés du vivant. Titulaire d’un diplôme d’expert en environnement et développement durable, MINES ParisTech, elle est directrice développement durable chez IDKIDS.
- Jean-Marc Bouillon a confondé Permabilis et B-forge, deux entreprises complémentaires dans l’engagement pour la transition en cours, tant de l’industrie que des consommateurs.
A propos de 1083, fabricant de jeans écoconçus Made in France
1083 est la première marque à, de nouveau, produire entièrement ses jeans en France ! Le procédé, générateur d’emplois, permet à 1083 de réaliser toutes les étapes de la transformation du coton sur le territoire : les jeans sont entièrement confectionnés, tissés, teints et délavés en France. Le tout en coton bio uniquement !
Installée à Romans-sur-Isère, la capitale de la chaussure, 1083 propose une ligne de jeans et de bermudas pour homme et une ligne de jeans et de jupes pour femme mais aussi des tshirts, des ceintures et des chaussures. Des coupes classiques et des modèles plus originaux sont déclinés, ainsi que des collaborations avec des sportifs comme dans le cadre de la marque Franc Jeu, lancée avec le tennisman Paul Henri Mathieu et qui s’appuie bien sûr, sur les principes de la Permaindustrie.
Toute la collection 1083 est disponible en exclusivité sur le e-shop de l’entreprise et dans la boutique de Paris (114 Rue de Turenne dans le 3ème) et des boutiques partenaires.
1083 est devenu statutairement une entreprise à mission en 2021. La mission de l’entreprise est de prouver qu’il est possible de produire en France des textiles accessibles au plus grand nombre, créatifs, décarbonés et circulaires, qui contribuent à pérenniser et générer des emplois industriels dans notre pays. Thomas Huriez a une réflexion intéressante sur le statut de l’entreprise qui peut influer sur une volonté de meilleure répartition des revenus et de gestion. Il ne croit pas à l’égalité
(typiquement le modèle coopérative) mais à l’équité. Chez 1083, comme évoqué lors d’une des présentations du livre, il a indiqué qu’il y avait une échelle de salaire qui allait de 1 à 5. ( Allo, Bonjour Mr Tavares, vous allez bien ? Que pensez vous d’une rémunération d’entreprise qui serait comprise dans une échelle de 1 à 5 ? ….. biip… biip…biip….biip ;).
La Permaindustrie veut nous convier à respecter le vivant, qui nous montre régulièrement que la nature est l’exemple de référence le plus proche de l’idée d’un modèle systèmique et durable.
D’ailleurs dans cette idée, certaines lectures ont parfois des résonnances particulières. Après cette Permaindustrie, c’est le livre de Vincent Doumeizel « La révolution des Algues » qui est venu se glisser entre mes mains. Les interactions entre la nature et l’humain sont là également très fortes. En dehors des informations qu’il contient sur la pollution (on a envie d’appuyer tout de suite sur le bouton du critère Permaindustrie N°6 « sobriété » en les lisant), les atouts des algues semblent trés prometteurs, mais ce livre fait aussi le même constat « qu’en renouant avec le vivant et en collaborant avec ces prodiges marins qui partagent notre matrice initiale, nous pouvons mener une révolution écologique, géopolitique, médicale, énergétique, sociale et humaniste. »