Imaginez un moment que vous preniez un café à la terrasse du Flore du coté de Saint Germain des Près avec Manon ou Fanny, jeunes femmes charmantes, habillées avec élégance et distinction, amies que vous n’avez pas vues depuis longtemps.
D’abord, vous ne les auriez pas croisées sur ce boulevard ou le germanopratin déambule les mains dans les poches de son trench Burberry, sa pipe éteinte à la bouche, car elles ont changé.
Certes Manon et Fanny viennent du passé mais elles sont extraordinairement modernes. Dans leurs manières de vivre et de s’habiller. Elles ne sont ni influenceuses, ni datascientist, mais elles ont une idée très précise, que s’ il y a une chose à respecter, en dehors des données personnelles, c’est ce que nous propose la nature.
Alors coté mode, elles sont branchées, elles sont devenues Cousette 4.0, car elles nous montrent par leurs styles que la mode circulaire est une alternative crédible pour répondre aux enjeux qui nous attendent. Ré-imaginer un vêtement à partir de textiles existants est aussi valorisant et aussi important que concevoir un nouvel algorithme. Comme l’exprime l’autrice, la volonté d’esthétiser l’allure jette un pont entre les époques et nourrit une quête perpétuelle de la dernière mode qui se transmet d’une génération à l’autre. Ce qu’on nomme « upcycling » de nos jours, avait déjà ses lettres de noblesse au début du 20 ème siècle.
Alors prendre un café avec elles, ce serait désormais plutôt au Ground Control, à la Cité Fertile, voire même à l’Académie du Climat, mais toujours avec élégance.
La mode circulaire, une idée vertueuse que nous enseigne notre histoire
Guénolée Milleret est une spécialiste de l’histoire de la Mode et quand elle a vu tout ce que l’on pouvait apprendre des archives de ce journal étonnant qui s’appelle Le Petit Echo de la Mode, elle a tenu à nous le partager dans son dernier livre, Les Cousettes du Petit Echo.
On peut continuer à rouler fenètres ouvertes et l’autoradio à fond sur l’autoroute de la fast fashion comme le montre avec trop de facilité certains articles de presse ( le Parisien ) sans comprendre qu’ à cette vitesse, notre mode de vie risque de se payer une sortie de route après qu’un ou plusieurs de nos pneux, une fois bien chaud (comme la planète) auront explosé et nous auront précipité contre une pile de pont qui aura la forme d’une montagne de t-shirts de mode jetable vendus au même prix que du pain.
Mais on peut aussi changer notre façon de voir, sans attendre qu’une législation ne nous l’impose, par souci de conviction, pour redonner ses lettres de noblesses au travail manuel local et parce que grâce à des livres comme celui-ci, on s’aperçoit que nos ascendants possédaient l’art d’une mode durable que nous avons perdu à force de suivre comme un troupeau la voie toute tracée d’une industrialisation acharnée et d’une consommation effrénée.
Une réflexion sur la mode circulaire qui ne nous rejette pas dans le passé, bien au contraire
La mode circulaire nous engage aujourd’hui à préférer les articles de seconde main, à employer les stocks dormants, à réévaluer des vêtements démodés à ne surtout pas jeter. Le principe consiste à offrir une nouvelle et belle vie à un existant déchu, en privilégiant un mode de transformation ou de fabrication local…sans nous faire faire un retour, question mode de vie, vers les siècles passés.
Outre la qualification récente de la mode circulaire comme l’engrenage essentiel et vertueux pour contribuer à préserver notre planète, quand en observe-t-on les démarches pionnières ? Peut-être faut-il commencer par en chercher les traces dans les usages de nos grands-mères et arrière-grands-mères, ces oubliées de l’histoire de la mode… Ces cousettes du XXe siècle sont les héritières d’une longue tradition d’élégance pragmatique, un principe qu’aiguillonne la presse de mode familiale, le Petit Écho de la mode en particulier, apprécié comme une bible de la mode circulaire… avant la lettre !
Pour que le Petit Echo d’hier devienne le bon son de demain
Ce livre va vous permettre de partager la vie de Manon, Fanny ou encore Troussepette, la midinette qui rouspète quand elle coud ses bandelettes et cherche ses chaussettes (non, elle est très souriante en fait, c’est juste pour l’assonnance 😉 dont les vies prennent corps grâce au fantastique corpus de dessins publiés des décennies durant dans le Petit Écho de la mode… et au talent d’écriture de l’autrice.
Laissons son imaginaire se développer autour de ces vies, donnons à ces cousettes un visage, un quotidien et des projets. Incarnons cette approche historique des origines de la mode circulaire : ici, une garçonne des années 1920 en robe de sport, là, une sirène glamour de l’entre-deux-guerres, ailleurs enfin, une élégante sanglée dans un tailleur New Look…
Les poupées de papier imaginée par l’autrice, s’animent, s’échappent des colonnes de texte et nous accueillent spontanément dans leur monde d’ingéniosité, qui pourrait bien nous inspirer pour nos prochaines années.
Le but de cet ouvrage n’est pas de donner des cours de couture. C’est de montrer d’une manière très romancée et pleine de vie, on va de Montpellier à Biarritz en passant par New York, que tout un chacun possède chez lui de quoi ré -imaginer sa garde robe, la renouveler avec sa machine à coudre, avec l’aide d’une personne amie ou les services d’un retoucheur.
La mode circulaire recèle en soi, un potentiel de création, avec un prisme éco-responsable marqué, qui transparait à travers cet ouvrage.
Une lecture instructive, qui pourra être complétée, par un autre livre comme par exemple La face cachée des étiquettes, qui décrypte avec précision, ce qui se cache derrières les informations que nous donnent aujourd’hui les fabricants textiles. C’est une aide précieuse, dont on a besoin, pour effectuer une transition vers une consommation raisonnée de A à Z.
L’autrice : Guénolée Milleret
Ancienne responsable des archives documentaires de la maison Yves Saint Laurent, Guénolée Milleret est aujourd’hui enseignante-chercheuse en histoire de la mode et du costume à l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs. En parallèle, elle a fondé et administre le Musée 2.0 de l’Estampe de Mode, d’Architecture et de Design, un fonds patrimonial riche de 16.500 documents (estampes de mode, mobilier, vues d’intérieur et d’architecture du XVIIe siècle aux années 1950) accessible sur Internet.
A travers ses publications, Guénolée Milleret contribue notamment à la redécouverte du patrimoine iconographique constitué au fil des siècles par l’édition d’art documentaire. Elle s’attache en parallèle, à restituer dans l’espace du livre un passé vivant, à la lumière duquel le temps présent se nuance et le futur s’invente.