Associer Change Now et Première Vision, permet de voir la (trop) lente mais progressive avancée de la tech dans le monde du textile. Comme le disait jadis un certain ponte de l’informatique « software would eat the world« , désormais, grâce à ces softwares, à l’algorithme, c’est la data qui dévore le monde, que l’on soit dans le domaine du textile ou dans un autre secteur.
C’est là qu’intervient Prolong, jeune entreprise de software et de data, qui est par ailleurs, membre du Fashion Green Hub, présent à Change Now dans la zone dédiée aux changemakers du textile et dont la solution permet de mettre en place un cycle de réparation pour les acteurs du textile.
Prolong, est un intermédiaire high tech au service de la réparation
Réparer, durer, préserver, devient aujourd’hui une envie, voire une obligation devant l’évolution de notre avenir climatique.
Pour, revaloriser des savoir-faire, permettre de faire face à des coût unitaires plus élevé (dû au Made in France par exemple), éviter la prolifération de produits peu chers dont la faible qualité ne permet pas d’être réparés et se transforment en déchets sur les plages d’Afrique ou dans un désert Chilien, de nouvelles solutions techs émergent, telle celle de Prolong.
Organiser, suivre, rentabiliser les différentes vies d’un vêtement
Prolong propose une solution SaaS (Software as a Service) qui permet aux marques d’intégrer la réparation dans le cycle de vie des produits de leurs gammes. C’est une solution B2B, mise en place sous l’autorité de gestion de la marque. La solution fédère, organise et structure un réseau de réparateurs affiliés pour chaque marque. Certaines marques ont déjà établis des relations avec des réparateurs et Prolong leur permet une meilleure gestion de ce réseau, de l’étendre grâce à leur expérience et de gérer tout les flux informationnel, organisationnel et financier. La solution de Prolong ajoute à ce cycle ergonomique de la réparation, la collecte et la gestion de la data ( Modèle, matière, fournisseur, P&L…).
La marque paye un abonnement pour la mise en place d’une telle solution SaaS et une commission sur chaque réparation. La solution de Prolong apporte une vision claire en rassemblant tous les acteurs de cette activité sur une même plateforme. La simplification s’affiche autant pour la marque (point de vente, logistique, information, maitrise du flux des demandes, type de produit…) que pour les réparateurs (gestion des flux financiers, paiement…) et reste à l’initiative de la marque sachant que c’est la marque qui qualifie les réparateurs afin de les intégrer dans leur réseau, que c’est elle qui reçoit les produit à réparer et les oriente vers le bon réparateur, gère les points de controle et de qualité lors des aller/retours du produit. La solution de Prolong se propose aujourd’hui aux acteurs du textile, mais elle pourra demain s’étendre aux domaines de la chaussure et de la maroquinerie.
Pour ceux et celles qui ont entendu parler, ou qui ont utilisé les services de Tilly, cette dernière que l’on avait pu croiser lors d’un WhosNext Impact et lors des Fashion Green Days de Lyon est plus un partenaire qu’un concurrent. Tilly s’adresse principalement à une clientèle de particuliers et fourni un service de réparation/retouche à domicile.
Avec prolong, la seconde vie d’un vêtement est aussi une nouvelle opportunité de prolonger la relation client pour la marque
Cette idée de réparation permet aux marques de garder une trace de la vie de leurs propres produits une fois l’acte d’achat fait. Au delà des datas récoltées, qui permettent de mieux gérer le coeur de son métier, c’est à dire la conception produit, cela est aussi un moyen supplémentaire de développer la fidélisation.
Face à des acteurs de la seconde main, en phigital, qui peuvent capter à cette étape, la relation client, la réparation est une opportunité pour une marque d’allonger cette relation avec son consommateur. La réparation peut être un service en plus, le sujet d’un bon de réduction, apporter des points de fidélité et enrichir in fine un programme de fidélisation. Elle permet d’accompagner le client après l’acte d’achat.
Prolong organise par ailleurs des workshops en entreprise pour permettre d’insuffler l’idée aux équipes que réparer est devenu un acte positif au delà des taches classiques que sont celles de produire et de vendre.
Prolong est developpée par plusieurs associés qui peuvent s’appuyer sur leurs expériences propres d’entrepreneurs, mais aussi sur le fait que dans leurs backgrounds (notamment du co-fondateur de Prolong, Tanguy Frecon), il y a la création de Lizee, start-up spécialisée dans la gestion de la filière seconde main, déjà au bénéfice des marques, sous forme d’une solution SaaS. L’entreprise a fait une levée de fonds en ce début d’année comme nous l’indique Fashion Network.
Une aventure qui montre que la tech peut se glisser dans l’organisation très fragmentée de ce monde textile pour réduire la pollution du secteur de la mode.
Prolong est un acteur qui aurait pu se retrouver sur scène lors des conférences de Première Vision. Les solutions présentées lors du salon étaient orientées B2B et les exemples d’IA qui y furent évoqués montrent que ces sujets tech commencent à se faire une place dans un secteur qui a encore beaucoup besoin d’évoluer sur ce plan-là, alors qu’on comprend que la fast fashion chinoise en a fait le coeur de son business.
La réparation est aussi mise en avant grâce au bonus mis en place par Refashion
L’idée de réparation se répand de plus en plus dans l’esprit des gens, grâce notamment à ce bonus réparation mis en place par le gouvernement. C’est important pour les marques textile, dont on voit régulièrement les difficultés économiques, qu’elles ne se laissent pas doubler sur ce sujet par d’autres canaux de vente concurrents.
C’est il y a 6 mois que le Bonus Réparation textile et chaussures entrait en vigueur avec pour objectif d’inciter les Français à faire réparer leurs vêtements et chaussures plutôt que de les jeter.
Pour chaque réparation effectuée dans une cordonnerie ou retoucherie labellisée, les Français bénéficient d’une réduction immédiate comprise entre 6 et 25 euros selon le type de réparation.
6 mois après son lancement, Refashion, l’éco-organisme en charge de la filière textile d’habillement, linge de maison et chaussures (TLC) agréé par les pouvoirs publics, dresse un premier bilan prometteur :
- 250 000 réparations effectuées dans les boutiques partenaires en six mois, représentant 2,3 millions d’économies réalisées par les Français, grâce au Bonus Réparation.
- Refashion compte désormais plus de 1040 boutiques de réparations labellisées sur tout le territoire, dont 20% de marques, un nombre qui a doublé par rapport au lancement du dispositif en novembre 2023.
Le Festival des Réparations revient en avril
Pour continuer à glisser dans l’esprit du consommateur que « réparer c’est gagner » notamment un impact positif sur les ressources de notre planète, le Festival des Réparations revient en avril 2024 ( il y avait eu une session lors de la Semaine des Autres Modes en 2023) sachant que ce festival s’adresse au consommateur final (je ferais un article prochainement à ce sujet).
Un livre pour comprendre comment la fripe et la seconde main, reproduisent des schémas trop connus : Emmanuelle Durand – l’Envers des fripes. edition
Pourquoi réparer a du sens, au delà de ce que montre la démarche de Prolong, c’est également parce que quand on lit le livre d’Emmanuelle Durand, « L’envers de Fripes » on comprend que la seconde main et la friperie forment un nouveau canal de développement d’un business qui écoule le surplus (en fin c’est ce qu’on croit) mais en fait génère presque une nouvelle demande, que cela soit sur une voie physique ou numérique (voir le succès de vinted).
Comme l’indique l’autrice « seul 20% des vêtements sont en mesure d’être recyclé . Le reste alimente un commerce international dont on sait finalement peu de chose » sauf qu’on comprend à la lecture de ce passionnant ouvrage qu’il semble reprendre les même codes que le business traditionnel, toujours plus et pas toujours mieux (voire la fast fashion).
On comprend aussi que réparer, faire durer est le moyen le plus efficace pour produire moins et préserver ainsi la planète, même si la question du style et de la désirabilité reste ouverte.