La montée vers le ciel est progressive et son rythme lent suit celui des escalateurs du Centre Pompidou. Si on les emprunte ce n’est pas pour se hisser jusque vers l’au-delà, mais pour bifurquer vers le 5 étage du musée et aller découvrir le parcours qui propose dix-sept jeux de correspondances entre une pièce d’un créateur ou d’une créatrice et une œuvre ou un courant de l’art moderne et contemporain. De Christian Dior à Iris van Herpen, d’Azzedine Alaïa à Thebe Magugu, de Jean Paul Gaultier à Issey Miyake, en passant par Chanel ou Charles de Vilmorin, cette présentation intitulée « La traversée des apparences » vient célébrer les liens puissants qui unissent mode et création artistique, couturiers et artistes depuis le début du 20e siècle.
Entre intuition, fusion ou inspiration, tous ces arts expriment leurs époques
Depuis le début du 20e siècle, l’art et la mode sont en constant dialogue. Jadis Paul Poiret, l’une des premières stars de la couture française, fut l’un des premiers à échanger avec des artistes. Aujourd’hui, il suffit de voir les moodboards chez Pierre François Valette, le fondateur de Valette Studio, pour comprendre que de tout temps, les interactions entre les différents arts ont su dialoguer, s’inspirer et être les témoins de leurs temps.
Si le rythme du mouvement des escalateurs est plutôt doux et lent, le rythme s’accèlère avec une certaine tachycardie lorsque l’on pénètre dans l’espace du 5 ème étage. Il faut dire que cette exposition qui dure jusqu’au 22 avril, bénéficie des généreuses collections d’art contemporain du Centre Pompidou. Elle permet de faire un beau voyage au milieu de la création du 20 ème siècle, avec des artistes connus ou plus discrets, de nombreux peintres, mais aussi les surréalistes, il y a l’urinoir de Marcel Duchamp, une palette chromatique infinie de couleurs et le noir de Soulage, le tout, en offrant une vision trés éclectique de la mode, faisant preuve de beaucoup de diversité, ce dont on peut se réjouir.
On y retrouve le fameux tailleur bar de Christian Dior, habituellement témoin précieux du New Look à la Galerie Dior, mais aussi Kevin Germanier, Marine Serre, Thebe Magugu et Charles de Vilmorin, au delà des classsiques comme Martin Margiela, Lanvin, Yves Saint Laurent, Jean Paul Gaultier ou encore Azzedine Alaïa.
C’est une excelllente occasion de découvrir le riche patrimoine de ce musée en 2024, puisqu’il va fermer pour des travaux importants de 2025 à 2023. Si les créations de mode se comptent au nombre de 17, les tableaux sont beaucoup plus nombreux et déambuler parmi les salles de ce 5 ème étage ravira tous les amateurs de peintures contemporaines au delà des fans de mode.
Explication par Laurence Benaïm, commissaire de l’exposition du Centre Pompidou
C’est à Laurence Benaïm, qui est la commissaire de cette exposition du Centre Pompidou, que l’on doit la réalisation de cette excellente idée. Journaliste spécialiste de mode, elle explique sa démarche dans une ITW sur le site du Centre Pompidou, dont je reprends l’exemple concernant le Suisse Kevin Germanier, dans lequel elle détaille son approche qui a lui permis d’associer designer et artiste peintre.
« À l’image des visions mosaïques d’Ulrike Ottinger, figure emblématique du nouveau cinéma allemand, les silhouettes du suisse Kevin Germanier (né en 1992, ndlr) sont des apparitions. L’artiste observe et raconte le Paris des années 1960 dans ses peintures comme dans ses films (Paris Calligrammes). De son côté, le créateur de mode s’empare des déchets de la société de consommation, chutes de tissus, invendus, plumes strass, jouets, perles, gadgets, pour « raconter la vie dans tout son éclat » : « C’est la matière qui nous mène. Quand on essaie de forcer, de contrôler, elle se défend ». Assemblées une à une, les perles se déploient en majesté. Surgit alors cet alien multicolore, pareil à un extraterrestre brodé de lumière. » ◼